• J'ai déjà du mal avec "auteur" ; avec Écrivain, impossible de m'habituer, la gêne, ça me met mal à l'aise, l'impression d'être un imposteur. Le costume est trop large je ne suis pas taillé pour. Écriveur, à la rigueur ; écrivaillon, encore mieux, même si la dénomination est péjorative... et cruelle lorsqu'on songe à la somme de travail abattu, au nombre de pages empilées, à la quantité de mots biffés. Tout ça pour ça : écrivaillon. Scribouillard, je préfère. Le terme est plus sympathique. Il a un côté attendrissant et me rappelle la tante Julia. À partir de quand s'estime-t-on écrivain ? Jamais, probablement... On se dit quand je serai édité, oui, quand je serai édité, je pourrai me sentir écrivain puis quand j'aurai publié deux livres trois cinq dix quand je serai lu que je toucherai des droits d'auteur suffisamment pour être affilié à l'AGESSA qu'on me trouvera dans toutes les librairies qu'on me sollicitera aux quatre coins du pays du monde de l'univers que je fraierai dans les académies que je hanterai les manuels scolaires je me marre ou quand je prendrai la pose air inspiré et tourmenté et tout et tout pour "faire" écrivain sur la photo je me sentirai écrivain m'y croirai j'en doute le redoute ce serait la fin l'embaumement le moment d'arrêter d'écrire où l'on se regarde écrire. 

    Ecrivain, c'est quand qu'on y est ?

    "Figure du grand écrivain"
    Victor Hugo, par Auguste Vacquerie (1853) source Wikimédia


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  • La barbue, mascotte des poilus

     

     

    La grande guerre dévaste la Lorraine. La clientèle du café est partie au front. Clémentine donne alors de sa personne. Infirmière au chevet des blessés, au service de la Croix Rouge, son dévouement est tel qu'il force l'admiration. Sa réputation fait le tour des casernes. On célèbre sa pilosité généreuse, l'intronise marraine, bonne fée et mascotte de la soldatesque velue. D'aucuns iront jusqu'à se tatouer son portrait sur leur ventre, barbe garantie en poils véritables de leur pubis.

     

     

     

     

    Source photo : gallica.bnf.fr


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  • Les 11 fioretti de François d'Assise est un film de Roberto Rossellini. J'ai découvert, il y a peu, cette œuvre lumineuse (je me réjouis quand je pense à tout ce qu'il me reste à découvrir et de savoir que je n'en viendrai jamais à bout) et je souhaitais partager ici mon enthousiasme à travers trois plans. Juste trois plans !

    Le ciel et la terre. Le limon et l'éther. L'un et l'autre. L'un dans l'autre. Où l'un devient l'autre. Où l'un est l'autre.
    Il y a ce plan, au début, où les moines, quittant le monde institutionnalisé pour le vrai, libéré par le pape Innocent des chaînes qui les liaient à l'orthodoxie et du carcan de l'église, sous un déluge se recroquevillent contre des pierres, pans de murs délabrés. Le retour à la matrice. Le refuge au sein de la terre. Les hommes acculés se serrent, puisent leur force dans la chaleur de l'autre, la matière et la corporéité, alors que leurs visages sont englués dans le ciel, livrés aux trombes d'eau qui déferlent sur eux. Baptême, onction, purification. Le ciel leur tombe à proprement parler sur la tête. Le poids de la responsabilité qui leur échoit. Le prix de la liberté. Entre le ciel et la terre, la jonction se fait. La place est à la grâce. Un plan auquel répond un autre, à la fin du film, où dans une parfaite dialectique, symbole du chemin spirituel parcouru par Saint François et ses frères, l'on voit après qu'ils se soient fait battre et refouler par un homme auquel ils demandaient l'aumône, les corps enlisés dans la boue, avancer difficilement, alors qu'autour d'eux volent des flocons de pollen, comme des étoiles autour de leur tête. La pesanteur et la légèreté. Les personnages, malgré leurs pieds dans la glaise, semblent en suspension. Une éclatante lumière finit de les dématérialiser et d'emporter leur esprit par-delà les espaces aériens. La victoire de l'âme libre, délestée du soi, comme diraient les bouddhistes.
    Un troisième plan, central et à couper le souffle, reprend ce motif des étoiles. La séquence se déroule au milieu du film. Il s'agit de celle du lépreux, muette et tournée en nuit américaine (de jour, avec des filtres pour donner un effet de nuit). François prie au milieu de la nature, quand il entend la crécelle d'un lépreux. Il se porte à la rencontre de l'infortuné, qui semble tout droit sorti d'un film de Kurosawa, tel un de ces esprits ou protecteurs de la nature qui hantent l'œuvre du Japonais, et l'embrasse. L'un et l'autre sont gênés. On voit toute la maladresse du moine qui ne sait trop comment s'y prendre pour manifester sa compassion, son amour, sa fraternité, ainsi que la surprise du malade qui se demande s'il n'est pas tombé sur un fou, lui qui n'est pas habitué à ce genre d'effusions. François l'étreint, l'autre se méfie, s'écarte, l'observe. Il y a, comme dans tout le film, du comique, du burlesque dans cette situation. Et une indicible grâce qui se diffuse. Une grâce que décuple ce prodigieux plan qui suit, où le saint, conscient de son incapacité à soulager ses frères de la misère humaine, qui voudrait porter sur ses seules épaules toute la souffrance du monde, se laisse tomber par terre, face contre terre et prie en pleurant, au milieu d'une prairie constellée de pâquerettes éclatantes comme des étoiles. La caméra se redresse, se lève et s'arrête sur le ciel nocturne, lui, vierge de tout astre. L'inversion est réalisée. Le ciel est la terre. Où comment d'une limitation technique (un ciel en nuit américaine est dénué d'étoiles, puisque filmé en plein jour), on produit du sens et de la poésie. 

    Les nuits américaines sont sans étoile.


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  • J'ai déjà dit, ici, tout le bien que je pensais du blog d'Erik Vaucey et de son initiative de mettre à l'honneur la nouvelle et les auteurs, à travers des interviews vivantes. De semaine en semaine, le blog s'est imposé comme un passage incontournable pour tous les nouvellistes et amateurs de nouvelles. Il s'est, en plus et récemment, enrichi des nouvelles inédites de quelques auteurs, qui permettent de prolonger ces entretiens de la façon la plus agréable qui soit. J'ai ainsi proposé l'un de mes textes afin d'être, moi aussi, de la fête. Ma nouvelle s'intitule A longueur d'ondes (3ème prix à Montrouge en 2015) et vous pouvez la lire, ici, à la suite de l'entretien qu'Erik Vaucey a bien voulu me consacrer. 


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  • Daddy flop

    Certes, il y a Purple Rain. Il y a Kiss et Cream, évidemment. Il y a aussi Sexy MF. Je me souviens, j'écoutais ça en boucle quand le disque est sorti. Je chantais : « U Sexy Mother Fuckey-her... ». Un p'tit tour sur moi-même et hop, j'étais Prince escorté du New Power Generation. Et quelle escorte ! Je cherche l'album dans ma collec, le déniche : 1992, l'année de la sortie. J'avais 20 ans... Et l'année d'avant, 1991, il y avait eu la bombe Diamond and Pearls, avec Cream, donc, mais aussi avec Thunder, Get off (faudrait citer tous les titres) et... Daddy Pop... Daddy Pop, c'était bon, ça aussi... Je glisse le cd dans le lecteur, envoie la musique. Il y a un bail que je ne l'ai pas écouté. J'appelle les enfants.
    – Venez, je voudrais vous montrer quelque chose !
    Pas de réaction. J'insiste.
    – Venez ! J'ai mis Prince, je suis sûr que vous allez adorer.
    Rien. Je vais donc les chercher. Les deux grands, au moins... qui sont nez rivé à leur écran d'ordinateur. Au moment où je les rejoins, ils ferment subrepticement la fenêtre qui les rendait sourds à mes exhortations. Encore plantés devant la vidéo d'un youtuber, je déduis ; je m'abstiens de tout commentaire.
    – Allez, venez écouter.
    Ils soupirent. « T'es lourd ! » Me suivent néanmoins en traînant des pieds.
    – C'est quoi ?
    – Prince !
    – Ah !
    – C'est la deuxième chanson, là : Daddy Pop... Avant, c'était Thunder.
    ...
    – C'est bien, non ? Vous pouvez pas dire le contraire, quand même !
    Ils me regardent. Se regardent.
    – Mouais... bof...
    Et ils retournent dans leur chambre.

    « Pop daddy, daddy flop. »


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  • La lune s'ouvre. L’œil du chat effaré se fait phare, affolé s'enfuit feu follet. La paupière tombe. Une chape de peau.


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  • Marie Pontacq est une La chambre rouge de l'hôtel Sacherexcellente nouvelliste, elle est aussi une romancière de premier plan. Il suffit de lire ce roman pour s'en convaincre.

    – Ce devait être difficile de l'aimer.
    – Très difficile. C'est toujours difficile d'aimer une tombe.
    Ainsi commence ce magnifique texte tendu entre deux mondes, entre Prague et la maison dans les landes, le présent et le passé, la fille et la mère, la lumière et l'ombre. Un texte porté par la quête d'amour, d'identité de la narratrice ; une quête animale, éperdue, où l'enfant sauvage, rejeté, ignoré, nié, aura le silence pour refuge et la nature pour alliée, matrice et complice, nature d'où surgira un homme, le seul avec sa sœur, à lui offrir la possibilité d'une île. Marie Pontacq a un talent fou pour faire parler le vent, la mer et les arbres, bruisser la nuit et personnifier la forêt, des lignes frémissantes de vie qui s'opposent à la présence ou plutôt à l'absence coupante de la mère qui apparaît, en regard, désincarnée et figée dans le marbre de la statue qu'elle s'est, à sa gloire et en rempart, dressée ; une absence contre laquelle la narratrice se cognera encore et jusque dans la vieille cité tchèque, enlisée dans les sables d'un passé mouvant.
    Le lecteur est saisi, troublé, gagné par un sentiment d'oppression, de malaise et bouleversé... notamment par la fin, admirable, la fin qui finit de trouer le cœur et qui renvoie aux deux phrases du début (ce devait être difficile de l'aimer...). Où l'on se demande qui parle, et de qui...
    Le roman figure dans le dernier trio pour le prix Alain-Fournier 2016 et c'est amplement mérité !

    La chambre rouge de l'hôtel Sacher, de Marie Pontacq, chez Jacques Flament éditions.


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  • J'ai délaissé mon ancien blog parce que je ne supportais plus la publicité que la plateforme Overblog avait, du jour au lendemain, imposée aux blogueurs ; l'alternative proposée étant de souscrire à un abonnement pour échapper au matraquage... Je me suis donc installé chez Ekla, comme beaucoup d'anciens d'OB, un espace gratuit et sans pub, comme on le présentait alors... Las... Je sais bien que les promesses n'engagent que ceux qui y croient mais la déception est de taille. Après un an, voilà que les règles changent et que la même situation se reproduit. Je ne suis pas contre le fait de rémunérer un service mais à condition que les modalités soient précisées avant tout engagement. Je serais sans doute allé voir ailleurs, si j'avais su que celles-ci changeraient...
    À la décharge de l'équipe d'Ekla, je reconnais de leur part une meilleure volonté que celle de mon ancienne plateforme et un désir de minimiser l'impact négatif. Elle a ainsi, après quelques jours, supprimé ces pubs particulièrement intrusives qui s'imposaient sur toute la fenêtre de l'écran, qu'on était obligé de subir et qui empêchaient la lecture même du blog. Pourvu que cela dure et, surtout, que l'équipe n'en reste pas là !
    Je me demande, bien sûr, si je ne devrais pas (encore) déménager ! Mais l'entreprise requiert du temps, d'autant que rien n'est fait pour faciliter les transferts... Et puis, chat échaudé... Il paraît que fin juin, sera proposée aux blogueurs la possibilité de choisir le type et l'emplacement des pubs (3 minimum (!!!), ce qui est énorme) ou un abonnement demi-tarif pour avoir le droit de se passer de pubs... Je verrai, alors, ce qu'il en est...

    En attendant, je prie les visiteurs de ces pages de m'excuser pour les désagréments occasionnés par ce parasitage. Je sais à quel point, il peut être insupportable. Il existe des logiciels qui bloquent ces messages promotionnels et que l'on peut télécharger sur son ordinateur, comme adblock + et/ou μblock origin (qui fonctionnent assez bien) et peut-être d'autres. Je ne peux que les conseiller. Je suis le premier à regretter cette évolution (Ekla a décidé de reverser aux blogueurs une partie (?) des recettes publicitaires, ce qui devrait représenter, me concernant quelques centimes par mois (ce n'était pas le cas chez OB). Mais si j'avais voulu gagner un sou avec mon blog, il y a longtemps que j'aurais adhéré à leur partenariat. M'enfin...)


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  • Voilà 6 ans que Jacques FlaL'Impératif, la revue qui remue la culture !ment, vaille que vaille et au nom d'une certaine idée de la culture et de l'art, contre vents et marée, tient la barre de sa maison d'éditions. Fidèle à ses convictions et débordant d'idées et d'énergie, il ne cesse de multiplier les projets et de stimuler les auteurs qui ont la chance de travailler avec lui (je le dis en connaissance de cause). Sa dernière création, audacieuse et passionnante, et véritable acte de foi en la culture comme vecteur d'humanisation et d'émancipation, témoigne de sa détermination. L'Impératif, tel est le nom de la revue culturelle qu'il vient de lancer ! Et l'injonction prend des allures de manifeste. Car il s'agit d'une défense en règle de la culture dans ce qu'elle a de primordial pour notre monde ou plutôt d'une offensive contre la médiocratie triomphante... car oui, la culture est un sport de combat.
    Ici, l'on prend le temps de rencontrer, de discuter, de partager et la particularité est que ce sont des artistes qui interrogent leurs pairs, des personnalités reconnues et installées. L'échange se fait fraternel, éclairant, réconfortant. L'on prend aussi le temps de questionner notre société moderne à travers des dossiers (de Sonia Bressler) d'où il ressort encore et toujours l'urgence et la nécessité de la connaissance. Des vignettes enthousiastes de lecteurs sur leurs coups de cœurs artistiques complètent de façon alerte le menu copieux de la revue. Sans oublier la découverte de nouvelles d'auteurs contemporains et de textes plus anciens.
    L'Impératif s'impose d'emblée comme un acteur essentiel et indispensable du paysage culturel francophone. Le projet, la démarche, l'esprit sont originaux et novateurs et l'on n'imagine déjà plus s'en passer.

    La revue est trimestrielle. On peut se l'approprier dans la plupart des points presse dignes de ce nom et pour s'abonner, il suffit de se rendre ici. Il serait fou de se priver.


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  • Un article dans l'ER, sous la plume alerte de Sophie Dougnac, à propos de l'apéritif littéraire du 2 avril, à la médiathèque de Montbéliard, autour du Bunker 3 : 

    A propos de l'apéritif littéraire, dans l'Est Républicain du 3 avril 2016

    Cliquer sur l'image pour lire l'article sur le site de l'ER !

    Un excellent moment passé auprès des lecteurs et des membres de la médiathèque, dont Pascale Eglin qui a su mettre en valeur le texte par ses belles lectures. J'ai pour ma part, comme d'habitude, bafouillé et cherché mes mots mais heureusement, le public était bienveillant !
    Il est gratifiant de présenter son travail et de discuter autour... et je trouve toujours étonnant et réconfortant que cela intéresse des personnes, alors que je figure parmi les inconnus du bataillon des scribouillards... Cela requinque !


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