• Les lucubrations de Lucien

    Les lucubrations de Lucien

     

    Les lucubrations de Lucien à lire, chez Zonaires !

  • Lucien décide de passer à la vitesse supérieure. D'enclencher la quatrième de couverture et de multiplier par 3 ses ventes des dix derniers mois. Il sort un exemplaire de son carton plein et de son domicile moins plein ; quant à lui, plein d'ardeur et du désir de faire exploser la banque et son porte-monnaie par la même occasion. Il déboule dans la rue, la remonte en brandissant son livre à tout-va, le soumet aux passants en en vantant les mérites admirables et trop méconnus à son goût, retient les bras des hésitants qui regardent ailleurs, se libèrent et fuient sans se retourner. Lucien ne se décourage pas. Il traverse la ville, toque à la porte de Max, qui la lui ouvre.
    — Tu m'achètes un livre ? 
    — Ben... non, je l'ai déjà.
    — Ben non, tu l'as pas puisque c'est moi qui l'ai.
    — Non, pas celui-là, mais j'en ai un autre.
    — Ah, tu vois ! Tu l'as pas, celui-là ! 
    — Mais si, l'autre que j'ai, c'est le même.
    Lucien se gratte la tête. Il considère l'exemplaire qu'il a dans la main. Se rappelle la transaction ; il en a vendu un pareil à Max.
    — Tu veux que je te le montre ? lui propose ce dernier.
    — Euh, oui, répond Lucien, perturbé.
    Max fait entrer son ami, va dans son salon, vers ses étagères, en extrait Les lucubrations de Lucien et lui tend l'ouvrage. Lucien le saisit, le retourne, le feuillette, le compare avec celui qu'il a apporté et rend son verdict, soulagé.
    — Ben non, c'est pas le même !
    Max s'agace. Lucien a les deux ouvrages devant les yeux. Il voit bien qu'ils sont identiques.
    — Ben si...
    Ben non...
    Et il commence sa démonstration, une brillante analyse comparative des volumes.
    — Tu vois bien ! poursuit-il. Là, c'est corné et ici aussi. La reliure est plus lâche et la couverture est moins nette. On voit qu'il a été manié. Il est plus usé. Alors que celui-là...
    Lucien met en avant l'exemplaire qu'il a apporté.
    — Ça n'est pas du tout la même chose !
    Max regarde le livre, puis son ami, puis le livre, va et vient entre les deux sans trouver rien à redire.
    — Alors ? reprend Lucien. Tu me l'achètes ?

    Lucien vend un livre


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  • Lucien prend tout au premier degré. Normalement. Néanmoins, la période rend compliquée la chose. Le réchauffement climatique ne lui facilite pas la tâche. Il n'y a que dans son frigo qu'il peut se satisfaire, combler ses attentes. Encore faut-il régler la température de la machine à son minimum et vite se servir. L'atmosphère estivale rend vite le prélèvement inopérant. On atteint le deuxième degré sans avoir le temps de claquer la porte du frigidaire ni de se retourner vers son verre ou son assiette. Au troisième degré, ça lui brûle les doigts. Il n'y a plus qu'à tout lâcher. Dans ces conditions, Lucien reste souvent bredouille et le ventre vide. 
    — Tu prends tout au premier degré, lui répète Max, sur un ton désolé comme s'il le soupçonnait de faillir à son devoir.
    Lucien, lassé de cette injonction, aimerait s'autoriser quelques exceptions à la règle et des douceurs plus adaptées au climat. 
    — Oui, ben je pourrais pas de temps en temps dépasser la limite. C'est épuisant de toujours tout prendre au premier degré. 
    Max, surpris, dévisage son ami. Lucien aurait-il un éclair de lucidité ?
    — Je suis d'accord avec toi. C'est épuisant !
    Lucien ne se le fait pas dire deux fois, prend cette réponse pour une permission à température ambiante, saisit l'occasion aussi chaude que si elle sortait du four et se jette sur les frites de Max, encore tièdes, pour les avaler fissa, avant qu'elles refroidissent. 

    Lucien prend tout au premier degré


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  • Lucien sort de sa retraite

    Alors qu'il sort de sa retraite, Lucien n'en revient pas. Il n'imaginait pas faire tant d'envieux.
    — Ils défilent tous pour la retraite ?
    — Ben oui ! T'es pas au courant ? lui répond Max. On parle que de ça.
    — Je pensais pas qu'ils seraient aussi nombreux à vouloir la prendre.
    — Bien sûr que si… et le plus tôt possible.
    — Je suis désolé. Si j'avais su, j'en serais sorti avant.
    — De quoi ? Qu'est-ce que tu racontes ?
    —  Ben de ma retraite… J'en serais sorti avant pour laisser la place. 
    — Quelle place ? De quoi parles-tu ? Je comprends rien. 
    Lucien considère son copain, s'apitoie sur son cas. Il a bien baissé depuis tout ce temps et pas que ses talonnettes et d'un ton. Il a l'esprit lent. Aurait besoin, lui aussi, d'une bonne retraite. Et à ce constat, Lucien culpabilise davantage. Il a décidément trop tiré sur la corde et abusé de la situation. Il faut dire qu'il était peinard et pas pressé de battre le rappel, encore moins en retraite. Il ne prévoyait pas que ça provoquerait un tel battage, amènerait tous ces gens à battre le pavé, la contestation son plein et lui sa coulpe. Lucien est ennuyé. Il a exagéré. Il exprime ses regrets et sa compassion. 
    — Je m'excuse d'avoir pris mon temps. Je pensais vraiment pas que la queue, derrière, était si grande. 


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  • Quiconque côtoie Lucien le sait. Et ça ne date pas d'hier. Max peut en témoigner, qui en a chaque jour la confirmation. Lucien marche à côté de ses pompes surtout quand il roule en vélo. 
    — C'est au cas où je crèverais, explique-t-il à son ami perplexe. 
    Bien sûr. Mais à pieds, il se demande pourquoi il a pris sa bicyclette. D'autant qu'une aurait suffi. Pourquoi s'encombrer de deux ?
    — Ben, parce qu'il y a deux pneus.
    Effectivement, Max n'y avait pas songé. Deux pompes sont nécessaires, à chacune sa chambre à air.
    — Mais si tu pédales pas, ça sert à rien de les prendre.
    — Sauf que si je pédale, je peux pas les porter. J'ai pas quatre bras.
    — Ben, mets-toi un sac à dos.
    Lucien soupire. Max le gonfle plus que ses pompes. 
    — Ah ouais, Monsieur Je-sais-tout, faut que je me mette un sac à dos ! Tu crois pas que j'ai assez d'ennuis comme ça, pour me mettre en plus un sac à dos. 
    — Mais…
    — Rien qu'aujourd'hui, je me suis mis la voisine à dos.  
    — Ah ? … Ben…
    — Elle s'est mise à crier quand j'ai voulu lui donner un peu d'air, avec les pompes. Elle avait l'air crevée.
    — …
    — Elle manque pourtant pas d'air, celle-là… d'habitude…
    — …
    — Enfin… Elle manque pas d'air con, surtout.
    — …
    — Ça m'apprendra à vouloir rendre service.

    Lucien marche à côté de ses pompes


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  • Lucien se dore la pilule

    Voilà l'été ! Les Négresses Vertes le chantent et pas qu'elles. Le moment d'un peu de bon temps. Lucien saisit l'aubaine et sa boîte de vitamines dans son armoire à pharmacie. Tout content et sautillant aux sons des cachets dans les flacons qu'il agite comme des maracas, il rejoint sa table de travail qui lui sert à la fois d'établi, de chevalet et de transat. Il s'assoit devant, ouvre ses pots et répand les petites billes qui roulent sur la plage réservée. Il passe en revue ses couleurs, prend du jaune et du jaune, presse les tubes. La gouache forme des dunes pâteuses dans lesquelles il plonge tête la première un pinceau déjà léché par une vague coincée dans un verre d'eau. Il touille la peinture, enduit les poils, puis tout huilé, s'abat sur une pilule. Lucien ne lésine pas sur la couche. En passe deux pour se prémunir contre les déceptions. Quand il la juge dorée comme il faut, il passe à la suivante.
    — C'est quand même bien sympa, les vacances… soupire-t-il d'aise. 


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  • Lucien pique une tête

    Il fait chaud. Lucien sue tant qu'il décide de passer a l'action. En tenue de combat, torse nu et poils roussis, il s'arme d'une fourchette et descends à l'étage du dessous sans brûler les étapes ni la rampe de l'escalier. Il sonne chez sa voisine, celle qui a la malencontreuse manie de lui échauffer le sang avec ses opinions à brûle-pourpoint. Quand elle lui ouvre, il plante son ustensile au milieu de son front. Il la laisse encornée sur le palier et remonte dans son étuve. Il se sent étrangement soulagé. Son initiative a rafraîchi ses ardeurs. Il a recouvré un peu de sang froid. Au passage devant la porte entrebâillée de son autre voisine, il constate avec satisfaction que l'ambiance, également, s'est réfrigérée. La dame, d'habitude si chaleureuse, le toise d'un air glacial. Lucien en frissonne de plaisir.
    — Y'a pas à dire, ça fait du bien de piquer une tête !


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  • La période est propice et Lucien compte bien profiter de ces temps d'oisiveté grégaire pour prendre un peu de recul, se nettoyer la tête, se divertir. Il se plante devant son armoire à idées, l'ouvre et considère les propositions en rangs d'oignon, pas si nombreuses. Laquelle choisir ? Il pioche au hasard, remet aussitôt l'idée noire à sa place. Il ne va pas penser à autre chose pour déprimer. Déjà qu'il n'est pas au top de sa forme. S'il se change les idées, c'est pour s'alléger l'ordinaire. Il inspecte les piles sur les étagères, les passe en revue. Il ne veut pas d'idée fixe, ni d'idée toute faite, encore moins de préconçue. Il hésite, fouille, ne trouve pas. La solution serait sans doute de cogiter lui même, de se faire des idées, les siennes propres. Mais il craint de se mettre le doigt dans l'œil et il a la flemme. Il est en vacances, pas en état de se triturer les méninges.
    — Faudrait que je me remette les idées en place, un de ces 4, constate-t-il face au bordel ambiant. Pas facile de trouver la remplaçante dans ce fouillis.
    Il contemple, dépité, son fatras d'idées inutiles, se souvient d'une qui lui avait bien plu, l'année dernière. Mais où est-elle ? Il passe la main derrière un tas qui s'effondre, des fois que ça lui en donne, tombe sur une petite. Il la sort de l'armoire. 
    — Bah ouais, c'est bien, ça !
    Une idée comme ça, il en veut bien tous les jours. Il sort de la salle avec son idée, rejoint sa chambre où il se couche direct dans son lit. Il s'étire, content de sa trouvaille.

    Lucien se change les idées


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  • — Qu'est-ce que tu fais ?
    L'on est en droit de se poser la question et Max ne manque pas de se la poser, tant la posture de Lucien prête à étonnement. Il est pourtant habitué aux extravagances de son ami et connaît ses inépuisables ressources et capacités d'innovation, jamais à cours d'aberrations. Mais là, il ne peut dissimuler son embarras face au spectacle qui lui est servi. Lucien tend son bras vers le ciel, la main dans un gant à four, en sautant.
    — Qu'est-ce que tu fous, avec ton gant ? réitère-t-il son interrogation.
    Lucien profite de l'intervention de Max pour souffler sur ses doigts. Il répond :
    — Ben, c'est pour pas me brûler.
    — Te brûler ?!!!
    — Oui, si je le prends sans gant, je vais me brûler, c'est sûr.
    Max ne comprend rien aux propos de Lucien. Il l'examine avec circonspection tandis que le bonhomme, en guise de plus amples explications, désigne le ciel par des hochements de tête. Max suit son regard.
    — Quoi ? Désolé, mais je vois pas de quoi tu parles.
    Lucien s'agace de tant de lenteur d'esprit et le rabroue.
    — Oh, tu le fais exprès ? J'te parle du soleil !!! Il est hyper chaud, le soleil.
    — Tu... tu essaies d'attraper le soleil ?
    — Et alors ? Ça te gêne ?
    — Euh... non, mais...
    — L'autre jour, tu m'as dit que t'avais bien pris le soleil lors de ton week-end. Alors, bon, je veux pas être vexant... mais si toi, t'as réussi à le choper... je vois pas comment ça me poserait problème. 

    Lucien prend le soleil


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  • Il est tellement contre qu'il s'appuie dessus. 
    — Fais gaffe, tu vas le péter ! s'alarme Max.
    À force de s'ériger contre le système, il finira par le renverser et ils seront bien avancés... mais pas très loin, quand même.
    — Arrête !
    Lucien ne veut rien savoir. Il s'oppose, n'en démord pas, plante ses dents dedans pour donner du mordant à sa détermination, se les casse sur la résistance de son pote rétrograde et crache un morceau d'incisive.
    — J'te laisserai pas faire.
    Max, grand conservateur devant l'éternel, veut préserver ses acquis et privilèges de nanti. Il s'interpose, résiste face à la pression destructrice lancée sans discernement par la masse en mouvement du corps insurrectionnel de Lucien. 
    — Lâche-moi, se rebiffe celui-ci.
    Le récalcitrant n'a pas l'intention de céder. La réaction ne le fera pas plier. Au contraire, il augmente son emprise, tant et tant que le système en vient à vaciller, explose sur le carrelage de la cuisine. Max, effaré, contemple le désastre. Déverse sa colère dessus.
    — P'tain, mais quel con ! Et c'est toi qui vas payer les pots cassés, maintenant ? 
    Lucien s'étonne du peu d'arguments et de la mauvaise foi de Max.
    — T'as déjà vu quelqu'un payer des pots cassés ?


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  • Lucien au top

    Lucien a eu un coup de mou. Il s'est cogné à son oreiller, a pris un chamallow sur le coin de la tempe, s'est lancé tête baissée dans le bide d'un sénateur ; maintenant il doit remonter la pente. Et pour que ça aille plus vite, il s'en choisit une bien raide, dotée d'un pourcentage à faire pâlir les plus motivés des candidats aux élections. De la côte alpine et pas la moins achalandée en parois verticales. C'est que Lucien ne craint pas les dénivelés. Après son passage à vide sur les lignes de crête, au bord du précipice et au fond du trou, le voilà à bloc et au sommet de sa forme, prêt à surmonter toutes les embûches et les cols. Il tient bon la rampe et prend de la hauteur, saute au plafond afin de mieux s'en saisir.
    — Aïe !
    Il se tâte le crâne, en vérifie l'intégrité. Il est entier, le plafond aussi. Si Lucien ne s'est pas laissé abattre par un coup de mou, ce n'est pas un coup dur qui l'entamera. 


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