• Bazouf souffla dans l’oreille de Janka, réduisit le son du monde en cendres, desquelles s’élevèrent des susurrements qui emplirent ses cavités, les méandres de ses oublis. Ils prédirent sa fin étoilé en grand vacarme dans l’antre du tranchant. Janka se prit la tête entre les mains, se pressa ses lambeaux calcinés d’appendice, s’écrasa les tempes, se fissura la boîte crânienne. Sa cervelle explosa. Des crics et des cracs répondirent aux chuintements du vent. Janka tendit un cri avorté en offrande à Bazouf, qui le dissémina sur les terres ravagées.

    La 8ème mort de Janka


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  • Immobile et fier sur la corde raide qui reliait la steppe au Mont Jabor, Janka résista aux assauts de Bazouf. Le vent fondait sur lui, dégoulinait le long de son corps, se rattrapait à ses chevilles et tentait de l’attirer dans le vide qui étiolait le désert. Janka résista tant que Bazouf n’eut d’autres ressources que de lui couper les ailes du tranchant de ses lèvres. La corde vrilla. L’équilibre fut rompu.
    Janka éclaboussa son ombre.

    La 27ème mort de Janka


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  • Il ne restait que du sable à Bazouf pour enfanter le mythe. Il se tourna vers Janka, lui susurra sa prière à l’oreille.
    — Donne ton souffle au caverneux. Il l’embrasera sur la steppe des ardents.
    Janka défia du regard son adversaire. Il n’avait aucune confiance en lui, préférait s’en remettre au corps qui fuit, au récif dégoulinant qui trace les destinées sur les océans de pierres. Il négligea le caverneux enterré sous ses pieds, se frotta contre le chaos pétrifié qui l’entailla. Son sang jaillit, s’écoula sur la terre vitrifiée. Les lacérations de la roche le réduisirent en morceaux de chairs pantelantes. Peau scarifiée, membres sectionnés suintaient au-dessus du germe de vie, irriguaient les réseaux souterrains du Refuge. Janka devint torche de douleur ; Bazouf souffla sur les braises.
    — Tu es cendre noyée dans la bouche du désert.

    La 11ème mort de Janka


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  • Janka prit Brindille par la taille, la colla à lui. Sans qu’elle consentît, il l’explora, s’enfourna en elle. Brindille devint flaque brûlante, dans laquelle il se débattit. Des spasmes, des convulsions. Les jets d’acide de la Nourricière le consumèrent par petits bouts. S’attaquèrent à ses terminaisons nerveuses qui se contractèrent en larves rabougries. Janka fondit dans les entrailles de Brindille. Ses mains accrochées aux hanches disparurent dans ses flancs, se liquéfièrent au creux du volcan. Il hurla aux étoiles. Brindille plaqua sa bouche contre ses lèvres, lui arracha sa voix d’un coup tranchant de langue. Elle aspira ses derniers halètements, le vida de sa substance liquoreuse. À la fin, quand il ne resta plus que ses soupirs à digérer, elle le recracha en chapelets d’escarbilles, qui tracèrent sur son ventre une constellation de son anéantissement.

    La 20ème mort de Janka


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  • Janka s’allongea dans l’échancrure du récif, la tête livrée aux assauts de l’océan carnassier. Il attendait que la lune sécrétât son venin, déversât sur lui son torrent d’épouvante, lâchât ses tentacules luminescentes en giclées de météores. Les gouttes se convertirent en flèches. Elle dévalèrent des crêtes des vagues, noyées dans l’écume rouge qui déferlaient sur lui, s’abattirent en avalanche et lui transpercèrent la peau, le clouèrent au rocher auquel en sédiment laminé il s’agrégea.

    La 29ème mort de Janka


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  • Après avoir débarrassé le ciel de sa pluie d’acide, Bazouf s’éteignit sur la cime du mont Jabor, point culminant de l’Outreterritoire, où pointait le crâne rasé de Janka. Il expira dessus, le décharna. Sous la brûlure des gouttes incendiaires, l’homme broncha. Il sortit ses mains de la cendre, s’appuya sur le sol qui s’échappait par les failles de son corps et se hissa sur la crête liquide. Il se leva, funambule sur le fil tendu entre les extrémités des parois du vent, et souffla son venin à l’oreille de Bazouf. Le poison descendit le long des pentes jusqu’à la steppe craquelée d’ennui. Le désert convulsa sous la vague, cracha sa déroute en vastes rafales de flèches lithiques, qui se délitèrent au contact de la chair de Janka, pétrifièrent son sang versé.

    La 14ème mort de Janka


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  • Janka conjura Dof d’écouter Bazouf. Le vent racontait le passé et en dispensait le remède. Des poussières de la vie d’avant colportées à travers les plaines incendiées. Dans les sillons immunisés contre les regrets, Bazouf divulguait son enseignement et semait les germes de la révolte. Janka huma l’air pour s'imprégner du souffle, absorber sa ligne de force. Il dit à Dof : « laisse ton cœur rouler dans les anfractuosités afin de l’enfanter. Des horizons lavés par Bazouf, viendra la promesse d’une autre vie. » Disant cela, Janka attrapa un grain de vent, le happa, claqua sa langue dessus, le roula dans sa bouche et le cracha au visage de son ami. Bazouf, propulsé, frappa Dof pleine face, explosa en éclaboussures visqueuses. Des gouttes pénétrèrent ses orifices. Dof, colonisé par Bazouf, se jeta dans les bras de Janka, devint le vent qui fuit entre les doigts. Janka ne put le retenir. Il s’accrocha à la queue du souvenir, qui le réduisit en mirage.

    La 2ème mort de Janka


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  • Grandvent s’engouffra dans la bouche de Janka, gonfla ses joues, élargit ses orbites, dilata sa cervelle. Sa boîte crânienne enfla tant qu’elle éclata en mille étincelles. Elle libéra des langues de feu qui s’abattirent sur la steppe et disséminèrent à travers l’Outreterritoire des brandons de désolation. Janka, disloqué et éparpillé, roula dessus. Son corps vaporisé, jouet des vagues brûlantes, se répandit aux quatre coins du dehors, emporté par les courants incandescents, dans des nuées de cendres. Janka poursuivit ses atomes tous azimuts. Il sauta de brasier en brasier, plongea dans les coulées de lave, à la recherche de ses poussières éventées. Au fond des cratères, il renonça à se rassembler.

    La 16ème mort de Janka


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  • Contre les murs de la forteresse, Janka se cogna la tête. Il ouvrit les yeux, découvrit la ligne de sang qui le liait à l'édifice et s'enroulait autour de ses chevilles. Il battit le sol des pieds afin de s'arracher à l'entrave. Creusa la fosse de laquelle surgirent les racines des fondations. Elles se propagèrent, envahirent l'espace qu'il libérait à coups de talons. Elles s'accrochèrent à ses membres, les rivèrent au limon de la cité. Janka, en vain, se débattit pour se soustraire à ses chaînes. Il ne réussit qu'à resserrer leur étreinte, qu'à accélérer son engloutissement dans les sables mouvants des oubliettes.

    La 22ème mort de Janka


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  • Face à la paroi, l’oreille contre, Janka ausculta la roche. Il la sonda à la recherche de brèches par lesquelles disparaître. La surface métallique n’offrit aucune prise. Il se résolut à l’entailler. Il y planta ses ongles sous lesquels sa pulpe écorchée, à force de pression et d’insistance, s’effrita. Il grignota ses phalanges, puis ses doigts qui se disséminèrent en poussière le long de la frontière. Il n’eut plus de mains. Il usa alors ses moignons. Les frotta contre la peau lisse du terme du monde. Il se désagrégea par petits bouts. Squames absorbés par la terre, lambeaux de chair éparpillés dans l’air ferreux des temps révolus. Son corps ne tint plus que par sa tête dont il dévora encore les joues et le front. Il creusa ainsi jusqu’à ce que de lui ne subsista plus rien. Pas même la trace luisante d’un début d’érosion sur la parcelle combattue. À peine le stigmate d’une griffure imperceptible qui se colmata, fondue dans le bloc, quand Janka passa à travers.

    La 5ème mort de Janka


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