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    Solveig, l'ange et "Crime and the City Solution"

     

    Dans la salle obscure, Solveig dansait sous le regard amoureux de l'ange, prêt pour elle à brûler ses ailes. Sur la scène, cinq jeunes hommes dégingandés officiaient. Ils ciselaient de la syncope, tels les magiciens métalliques qu'ils étaient. Chaque riff du guitariste accentuait l'abandon. Les vagues se déroulaient et remuaient les entrailles. Sur elles, glissait la voix du sorcier. Vous étiez tenus en haleine, jusqu'à ce qu'une déferlante vous emporte sur les ailes du désir, que les coups du batteur vous suspendent à la barre de la trapéziste. Six Bells Chime répondait en boucle lancinante au mantra qui scandait les errances des anges. Als ich ein Kind war, wäre ich...
    Quand j'avais seize ans, je regardais Solveig danser et je voulais voir le ciel de Berlin.

     


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  • ... à son papa.

    Tailler un costard...


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  • Elle glisse des petits cailloux dans les trous des conduites d'eaux pluviales. Ding dong, sonnent-ils en dégringolant. Ils débouchent sur le trottoir, ricochent sur le macadam et mordent la cheville du vieil homme qui passait par là. Aïe, s'exclame le monsieur. Quoi donc l'a piqué ? Il retrousse son pantalon, cherche à élucider le mystère, tandis que la petite fille, hors de vue derrière sa main plaquée contre sa bouche, pouffe.

    Histoire de cailloux


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  • Général Tom Pouce

    Charles S. Stratton ne pesait pas bien lourd quand Barnum l'embaucha : 7 kg tout mouillé et peu de frais de tailleur à prévoir pour Taylor, si peu qu'il pouvait bien compenser en lui confectionnant, à son protégé, un uniforme personnel, style napoléonien, ou un trois pièces avec haut-de-forme, pour varier. Le placement se révéla lucratif ; le petit bonhomme avec ses quelques centimètres et ses dispositions aux arts du spectacle rapporta un joli pactole à son généreux propriétaire. Gloire internationale, l'enfant précoce brûla les planches, serra les pinces des monarques européens et, plus tard, se maria en grande pompe. Une statue au sommet d'un piédestal à sa mesure fut même érigée en son honneur, à Bridgeport, Connecticut. 

     

    Charles Sherwood Stratton as Napolean with Livinia -
    Mathew Brady (commons.wikimedia.org)


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  • Au sommaire de la revue L'Ampoule !

     

     

    Mon texte Tête à claques figure au sommaire du n°20 de la revue littéraire énervée et numérique, L'Ampoule, dans la rubrique Confessions et j'en suis particulièrement fier. La thématique (très actuelle) du numéro est "Ordre et Chaos" et les propositions sont d'ores et déjà consultables (et gracieusement !) en ligne. 

    C'est par ici que ça se lit : L'Ampoule n°20. 


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  • Focus sur les éditions Antidata et deux de ses recueils de nouvelles : Au-delà des halos de Laurent Banitz et Dernier avis avant démolition, de Fabien Maréchal.

    L'étrangeté, dans ces deux recueils, règne en maître. Il s'immisce dans des vies à la banalité apparente, dans des situations ordinaires, vient enrayer la routine d'existences tracées. Un hiatus s'opère, le décalage porté par un humour jamais en défaut provoque le malaise, l'inquiétude ou le rire (parfois jaune). Un lien indéniable, donc, entre ces livres, d'autant qu'ils sont tout deux portés par une écriture fluide et sans fioriture, un air de famille qui ne masque ni une différence de traitement ni une spécificité des points de vue et du propos.

     

    Au-delà des halos et Dernier avis avant démolition

    Laurent Banitz met ses personnages à rude épreuve, les confrontant à des situations extraordinaires, fantastiques, souvent absurdes. Avec un art consommé du découpage (quasi cinématographique) et du rythme, un style élégant et pince-sans-rire et le sens de la formule, il fait oeuvre d'entomologiste (ou de clinicien). Ses héros sont passifs et impuissants. Ils subissent les événements, s'y adaptent, les intègrent dans leur schéma de vie, de pensée, se laissant portés par eux, même si ou, plutôt, parce qu''ils n'y comprennent rien (l'impressionnant Céphalées) ; et les faits s'enchaînent selon une logique que les circonstances exceptionnelles imposent (Divan mutique). Mais si le monde bascule et les repères se brouillent, c'est aussi pour dépasser les apparences et révéler aux protagonistes leur seconde nature, notamment par la figure du double (mimétique ou transgressif), récurrente (du tentateur de De l'insecticide dans le confessionnal au poilu de Tripes et boyaux en passant par le patient mutique ou l'alter ego de cinéma, ses représentations abondent). Une inversion s'opère. Les masques tombent et le héros, jouet de la fortune, aliéné, devient petit à petit l'ombre de son double, le double de son double.

     

    Au-delà des halos et Dernier avis avant démolition

     Chez Fabien Maréchal, ce sont les personnages qui sont à l'oeuvre et à l'origine du détournement de la norme. Par leur conduite, leur volonté, leur éthique de vie, ils se placent en marge de la société et tordent le réel afin qu'il soit plus en phase avec leurs aspirations, afin d'en faire bouger les lignes. Ainsi Norbert (dans Démolition) peint-il son monde aux couleurs d'un futur utopique avant de le teinter du sépia d'un passé idéalisé, avec pour motif du temps qui file et point d'ancrage dans un présent inconciliable : le cimetière, l'extension du domaine de la mort. Ainsi Paulin, le photographe (dans Le monographe), recompose-t-il par son œil le monde qui l'entoure, en lui conférant une dimension sauvage et mythique. Le récit prend un tour quasi fantasmagorique voire épique, alors que se succèdent non-événements et petits riens. Le décalage plonge le lecteur dans un état second et rend la nouvelle particulièrement étonnante, d'autant que l'auteur sait à merveille instaurer des "climats", des atmosphères et y glisser des singularités (le froid glacial dans La guerre froide, l'objet du voyage dans Le grand départ) qui viennent troubler le jeu et déporter le regard.

     

    Deux recueils à découvrir aux éditions Antidata et à commander dans toutes les bonnes librairies.


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  • Il s'accroche aux petits riens parce que, dans sa vie, c'est tout vide. Il traque l'instant pour l'en combler, comme un ballon de baudruche qu'on dilate jusqu'à ce qu'il explose, dont on récupère les morceaux de latex déchirés en leur découvrant des vertus paysagères. Il étire la matière, elle lui claque entre les doigts. Ça lui fait des étoiles filantes, quand il ferme les yeux. Et il se dit que l'existence, décidément, réserve des surprises.

    Les petits riens

     


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  • Elle et lune ont la tête haute, la tête si haute que sur la pointe des pieds, même le bout du doigt ne parvient à gratter la fossette de leur menton.
    « Prends un balai, dit l'idiot, tu leur feras avec, une moustache. »

     


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  • au tour de la chaussette jaune d'être trouée c'est triste mais il faut se rendre à l'évidence se résigner et accepter son sort je n'ai pas le choix mon gros orteil que ça lui plaise ou non est condamné à s'exhiber il se rétracte tente de tirer à lui les mailles en bordure pousse ses frères dans leurs retranchements afin qu'ils lui cèdent un peu de terrain à l'abri des courants d'air la démarche est vaine ils ont beau être unis comme les doigts du pied quand il n'y a plus de place il n'y a plus de place le pouce n'a qu'à assumer son air bête révélé au grand jour et supporter l'impudeur qui lui est imposée il n'est pas fier le pauvre je sais à quel point cette exposition lui coûte qui préfère la discrétion passer inaperçu et vivre caché pour vivre heureux il se sent vraiment idiot là à travers le trou de la chaussette jaune je compatis comprends son désarroi sa situation est délicate c'est ainsi je n'y peux rien du moins pas pour le moment il devra vaincre sa timidité et affronter le ridicule les regards en biais les sourires narquois vivement que j'enfile ma chaussure espère-t-il qu'il souffle un peu retrouve un chouia d'intimité je sais ce qu'il pense que je pourrais enlever la chaussette la remplacer ou la remiser ce serait sympa faut pas rêver non plus j'ai d'autres priorités que de combler le trou j'ai des responsabilités je le lui explique inutile d'insister de me faire l'ongle doux il n'en est pas question et puis n'exagérons rien ce n'est pas si grave pas de quoi m'obliger à prendre une aiguille et du fil il y a des limites déjà que le lecteur s'ennuie je ne vais pas en plus lui infliger une séance de raccommodage avec le bout du fil à effiler dans la bouche puis à introduire dans le chas à essayer réessayer me voilà contraint d'enlever mes lunettes parce que je peine à y voir le fil m'échappe me glisse des doigts où est-il je l'avoue je ne suis pas très habile de mes mains et les travaux minutieux me portent sur les nerfs d'autant que moi aussi je vieillis à l'instar de la chaussette jaune elle c'est le trou moi c'est presbyte et des cheveux blancs et des rides alors 

    l'heure de la chaussette jaune


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