• La sirène des Fidji

     

     

    Il suffit d'un peu d'imagination et d'un brin de savoir-faire.
    Une queue de poisson, un buste d'orang-outan bien conservés feront l'affaire. Une attention particulière à l'assemblage sera indispensable. Que les coutures ne craquent pas, qu'elles se fondent toujours bien dans la chair. On parsèmera d'écailles la tête, de poils les nageoires. Et l'on fabriquera une belle histoire pour donner un peu de crédit à l'ensemble.
    Barnum, orfèvre en la matière, racontera la sienne. Il comptera sur un complice pour endosser le costume du savant. Il lui trouvera un nom, une nationalité et des diplômes et le tour sera joué. La chimère pourra être présentée au public.

     

     

    https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1817333


    votre commentaire
  • Une immense sensation de calme, aux éditions Le Sonneur

    Origines et naissance du mythe. Il s'agit là de refonder le monde et de lui trouver une nouvelle géographie de l'âme après la dévastation de l'ancien. La femme raconte son amour pour Igor, l'homme né de l'union de l'eau et de la terre, de la femme poisson et de l'homme ours, figé dans une nature atemporelle et matricielle qui a recouvré sa toute puissance magnifique. Matricielles, comme le sont ces figures féminines qui portent la parole, la connaissance et la mémoire, femmes griot, femmes chamans, medicine women ou baba yaga détentrices des secrets de l'univers, alors que les hommes, muets ou aveugles, restent "englaisés" dans leur animalité et leur environnement. Car la nouvelle humanité naîtra des femmes et elles la bâtiront sur le corps mythique d'Igor.
    Il s'agit bien d'un roman postacopocalyptique mais davantage qu'à Cormac Mc Carthy et à La route, l'on songe à Antoine Volodine et à son post-exotisme ainsi qu'à Sylvie Germain et notamment à son A la table des hommes (sa première partie, notamment), tant par l'écriture, précise, limpide et poétique de Laurine Roux (dont on connaissait déjà le très grand talent (voir ici)) qui confère à ce roman une beauté poignante et une atmosphère étrange, que par la place primordiale qui est réservée à la nature (on pensera ici à Thoreau et Giono, pour ne citer qu'eux), personnage à part entière dont le lecteur, à l'instar des héros du livre, ne peut qu'accepter l'emprise. Il émane tout au long et à la fin de de ce superbe texte une mélancolie paisible qui bouleverse et qui le rend essentiel.

     Une immense sensation de calme, de Laurine Roux, aux éditions Le Sonneur, dans toutes les librairies.


    2 commentaires
  • Un bien sympathique article sur la soirée littéraire du 6 avril 2018 à Champagney, rédigé par Alain Jacquot-Boileau, est paru dans l'Est Républicain du 14 avril 2018.

    Retour sur le café littéraire à Champagney !

    Cliquer sur l'image pour lire l'article

     Merci à lui et à toutes les personnes présentes (et en particulier à Isabelle André Philippi, initiatrice de cette soirée) à la médiathèque de Champagney pour cette très agréable rencontre.


    votre commentaire
  • Janka franchit le seuil de la rotonde. Face à son nouvel environnement, conclut à une erreur de transmutation. Des lames incandescentes cisaillaient le désert vitrifié qui s'étendait devant lui. L'enveloppe qu'il avait endossée était inadaptée. Ici, dans ce corps de blatte, pas même une heure il ne survivrait.
    Les antennes en berne, il se résigna.

    La 15ème mort de Janka


    votre commentaire
  • Bulles de soleil,
    Jonquilles et primevères
    Éclatent. Champagne !

    Des bulles


    votre commentaire
  • Le 6 avril 2018, à la médiathèque de Champagney

     

     

     

    J'aurai le très grand plaisir de rencontrer les lecteurs de la médiathèque de Champagney et des environs, le vendredi 6 avril 2018, à partir de 20h, pour un "café littéraire". Je parlerai de mon parcours, de mon travail et présenterai mes ouvrages. L'occasion d'un échange autour de l'écriture et de la lecture, organisé par Isabelle André-Philippi et l'équipe de la médiathèque, dont je me réjouis d'avance. 

     

     

     

     

     

    Le 6 avril 2018, à la médiathèque de Champagney

     

     

    A lire, l'annonce faite dans l'Est Républicain, dans son édition du 28 mars 2018 : (cliquer sur l'image pour la lire)


    votre commentaire
  • Une fin de l'histoire

     

     

    En thermidor, la terreur chut.
    Au fond du panier les derniers fruits mûrs,
    Cerises caboches leurs noyaux cabossés
    Les queues figées dans une liqueur écarlate.

    Coquelicots éphémères, fauchés
    Fol échafaud la foule vengeresse

    Cocarde au cœur la bave au cou.


    votre commentaire
  • Écrire à l'aveuglette réserve des surprises. C'est comme marcher sans but, se laisser porter par l'envie, le vent ou les vagues. Sans peur de se perdre ni de tourner en rond. L'on accoste sur des rivages imprévus, que l'on foule étonné de se trouver là. Dépaysement garanti. L'on échoue aussi, parfois, sur des écueils, d'où l'on tire toujours quelques cicatrices à gratter. On rembobine le fil. Par quels détours en est-on arrivé à cette frontière ? Les chemins de traverses, les impasses. Des traces qui s'effacent comme dans le sable mangé par la mer. Il ne faut pas trop chercher à savoir. Cela pourrait nuire au prochain voyage, réduire le champ de ses possibles.

    Au fil de la plume

    Le voyageur contemplant une mer de nuages, 1818. Huile sur toile, 74,8 × 94,8 cm, Hambourg Kunsthalle
    Par Caspar David Friedrich — The photographic reproduction was done by Cybershot800i. (Diff), Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1020146


    votre commentaire
  • À coups de talon, Janka brisa la glace. Des éclats blancs, comme du verre pilé, comme des grains du gros sel qui la fondait et qui lui manquait, poudre de perlimpinpin. La plaque fendillée de partout finit par exploser sous la violence de ses assauts. Janka s’épongea le front.
    — Tu vas te casser la figure, lui répéta le père, qui s'était assis sur le seul rocher où bavaient les rayons de soleil du moment.
    Janka n’écouta pas. Il martela le sol des pieds. Puis, passa ses semelles dessus afin d’en apprécier la surface. Le père racontait n’importe quoi. Ça ne glissait pas.
    — Ça glisse plus, répondit-il, on peut y aller.
    Il n’attendit pas l’autorisation ; il risqua un pas puis un autre. Le terrain pilonné remplit son office et lui assura une progression stable. Un mètre tranquille sur ses pattes, jusqu’à ce qu’une lame traîtresse l’envoyât par terre.
    — J’te l’avais dit. T’écoutes jamais.
    Le père se leva, se dirigea vers lui, tendit une main pour l’aider à se redresser.
    — On peut pas passer, expliqua-t-il pour la quinzième fois, c’est pas la peine d’insister.
    Janka saisit la main offerte, s’agrippa rageusement à elle. Il ne s’était pas blessé sauf à son amour-propre. Et il en voulut au père, auquel la faute incombait. Il tira aussi fort qu’il le put sur le bras, dans le secret désir de le déséquilibrer ; qu’il tombât aussi, se fît mal, pourquoi pas. Mais le père tint bon ; sur de meilleurs appuis, résista à la traction du fils, qu’il attira vers lui.
    — Aïe ! hurla Janka. Tu me fais mal.
    En le tirant, le père l’avait cogné contre un bloc de glace. Le garçon en rajouta sur la douleur, exagéra la plainte, sans parvenir à culpabiliser l’homme qui, agacé par ses simagrées et sa mauvaise volonté, le réprimanda.
    — Tu pourrais y mettre du tien, aussi !
    Le regard que lui lança Janka fut plus tranchant que le froid qui le transperça. Il se dégagea de l’étreinte paternelle. Serra les poings. Ses gants trempés lui brûlèrent les doigts, l’obligèrent à les déraidir. Il attrapa alors un fragment de glace, qu’il jeta contre le sol en direction des pieds du père, vers lesquels il s’éparpilla en mille bris de colère.
    — Eh, s’indigna l’homme, faut te calmer ! J’y suis pour rien si t’es tombé.
    Janka n’en pouvait plus de l’entendre. Il voulait qu’il se tût, qu’il disparût. Il se hissa sur ses bras, ramena ses jambes sous lui, s’agenouilla puis bascula sur ses pieds pour se propulser vers l’homme et son estomac et s’affaler mollement le nez contre son ventre. Le père, étonné, digéra l’attaque en reculant d’un pas et saisit le fils par les épaules, prêt à lui remettre les idées en place. Lorsqu’il découvrit son regard embué de givre, il retint son geste et, quand il décela la haine qui le réchauffait, y renonça. Il le lâcha, s’écarta, se détourna. Il contempla autour de lui la vaste étendue de glace qui les cernait, considéra l’îlot sur lequel ils avaient échoué. Il soupira, revint au rocher et se rassit.

     

    La 3ème mort de Janka


    votre commentaire
  • hier dans la série ma vie est passionnante je suis allé à la poste parce qu'il y a encore une poste dans notre petite ville j'ignore jusqu'à quand durera ce privilège je croise les doigts pour qu'on nous le préserve déjà que celui de se soigner devient rare qu'on nous parle en plus de nous supprimer nos liaisons ferroviaires une façon de désengorger les cabinets des grandes villes qui n'ont pas besoin de nos dérisoires problèmes de santé ils ont assez des leurs inutile d'en rajouter on raconte que certains prennent le train pour consulter il y a des petits futés partout et d'autres qui ne se refusent rien donc hier je suis allé à la poste en me disant que je devrais changer de lunettes avant qu'on brise les lignes je me le suis d'autant plus dit que j'ai croisé monsieur Biglet et que je ne l'ai pas reconnu j'ai vérifié mes verres ils étaient pourtant propres bonjour il a lancé en me tendant la main je lui ai prêté la mienne en me demandant qui il pouvait être cela m'arrive souvent de ne pas savoir à qui je m'adresse je ne suis pas un sauvage je souris quand même il s'est enquis de mon état général ça va j'ai hoché la tête et répondu oui et vous et puis je me suis rendu compte mais bien sûr c'est monsieur Biglet pas étonnant que je ne l'ai pas identifié il avait changé de coiffure il était blond alors que d'habitude il est chauve on n'est à l'abri de rien il m'a certifié que ça allait aussi de son côté malgré la tignasse qui lui avait poussé sur le crâne et a observé qu'on se retrouvait à la poste alors on va à la poste s'est-il exclamé il est perspicace monsieur Biglet à la nuance près qu'on n'y allait pas puisqu'on n'y était déjà je me suis gardé de l'objecter cela m'aurait amené à développer et je ne me sentais pas de m'étendre sur le sujet je me suis contenté de mesurer notre chance oui il faut en profiter ça ne durera pas éternellement il m'a considéré bizarre il avait le regard un peu absent sans doute que lui aussi avait besoin de nouvelles lunettes et il s'est rappelé qu'il devait partir il avait un train à prendre pour voir un ophtalmo et il comptait en profiter tant que c'était encore possible il m'a salué en me souhaitant une bonne journée bien que je n'aie rien contre et s'est dirigé vers la sortie je n'étais pas contre non plus son départ tombait à pic surtout que je n'avais pas que ça à faire j'avais une place à occuper dans la file devant la machine distributrices de timbres un passage obligé si je voulais envoyer ma lettre je me suis donc mis derrière une dame que je ne connaissais pas même si elle avait aussi des cheveux et j'ai attendu mon tour qui n'arrivait pas vite pas de quoi se plaindre non plus on n'était pas aux

    p 352 : à la poste

    MIB 3


    votre commentaire