• L'instant fugace aux éditions Jacques Flament

     

    Des instantanés littéraires pour cette nouvelle anthologie des éditions Jacques Flament : L'instant fugace. 150 très courts textes signés par une petite centaine d'auteurs inspirés. Des visions, des émotions, des cris, des souvenirs... en bref, la vie qui déboule, une mosaïque de sensations à laquelle j'ai eu le plaisir de contribuer avec deux petites pièces, un songe d'une nuit d'été et une évocation de mon papi.

    Le livre (au prix très modique) est disponible sur le site des éditions Jacques Flament


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  • Le bagne

    A.C.


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  • Janka laissa tomber la nuit à ses pieds. Alors qu’elle dégoulinait sur le carrelage, le constellait au fur et à mesure de sa progression, il décida de ne pas la ramasser. Le moment était venu d’en terminer. Il tâtonna entre les murs, à l’aveugle remonta le couloir. Ses mains glissaient sur des aspérités inconnues, les paumes écorchées par les pointes effilées d’étoiles traîtresses. Il avait vu bien des hommes se fracasser à cet instant contre des récifs imaginaires, happés par la marée des souvenirs montants, et sombrer dans des abîmes de regrets. Janka ne regretta rien. Pas même la tiédeur des girons de rencontre. Pas même le poids des corps précaires. Il avait fait ce qu’il fallait. Ce qu’il avait pu.
    Il avança. Pas après pas, se délesta de ses peaux successives. Les oripeaux se disséminèrent derrière lui, absorbés dans la masse noire. Il atteignit la porte, la poussa.

    La 1ère mort de Janka


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  • Le mari de la femme à barbe

    Quand Ringling, talonné par son collaborateur, atteint l’estaminet, il se donne trois minutes pour régler l’affaire. Il vient d’acquérir avec son frère le Barnum & Bailey Circus et de le promouvoir en Ringling Bros & Barnum & Bailey Circus. Opération qui, d’un coup de cuillère à pot, l’a propulsé à la tête de la plus phénoménale entreprise de spectacles qui ait jamais été fondée sur terre et ses environs. La planète est à ses pieds. Les artistes du monde entier se bousculent pour manger dans sa main. Et au souvenir des prévenances et des cajoleries des plus motivés pour décrocher un contrat, il ne peut endiguer la vague de contentement qui le submerge et réprimer le sourire carnassier qui entaille son visage poupin et moustachu. C’est donc en conquérant et sûr de sa victoire, qu’il ouvre la porte. Il en franchit le seuil au moment même où une énorme barrique à poils et en robe traverse la salle de l’établissement, en traînant par le col et le fond de son pantalon un éméché que sa ration de genièvre a rendu un peu geignard et batailleur. Il lui cède le passage et la regarde qui, d’un jet de bras, balance l’ivrogne sur le trottoir.
    C’est elle ! se dit-il. Il la considère. Il est fasciné. Il en a vu d’autres, pourtant, n’est pas du genre à s’émouvoir aisément. Mais le cas qui se présente dépasse ses espérances. Il se félicite de son flair. Il s’applaudirait aussi, exalterait par quelques hourras et hip hip hip sa perspicacité et sa légendaire bonne fortune si les mines patibulaires des clients du cru ne le contraignaient à une circonspection de façade. My god, quelle femme ! Il la contemple, admire son autorité naturelle qui fait converger vers elle toutes les attentions et jubile. Il a eu raison de s’écouter et, malgré les réticences et les mises en garde de ses conseillers, de se déplacer jusqu’ici, à Thaon-les-Vosges. L’énergumène valait bien le voyage et le séjour dans ces contrées humides et reculées. La série de cartes postales, où elle se met en scène, lui avait montré quel profit il aurait à s’attirer les services exclusifs de la tenancière, d’autant que la guerre l’avait promue égérie des poilus et lui avait apporté en même temps qu’une notoriété indéniable, une popularité de corps de garde. Oui, il avait identifié un beau filon à exploiter ; n’avait imaginé, cependant, gisement si prometteur. Il ne la quitte pas des yeux.
    La matrone revient à son comptoir en s’essuyant les mains.
    — Bon débarras ! lance-t-elle.
    Aussitôt, elle repère les nouveaux venus, les dévisage. Des inconnus un peu trop endimanchés, guère dans leur élément. Elle les laisse s’approcher du bar et s’enquiert de leurs envies.
    — Ce sera quoi, pour ces messieurs ?
    Ringling, qui peine à apprivoiser la langue de Molière, interroge d’un sourcil levé son adjoint. Celui-ci lui traduit l’entrée en matière à laquelle, sans hésiter, l’homme de spectacle répond d’un BARNUM tonitruant, certain de l'effet qu’il a déjà plusieurs fois éprouvé. Il est habitué qu’à ce simple vocable jeté à la cantonade, en pâmoison l’on tombe. Clémentine, puisque tel est son prénom, n’est toutefois guère impressionnée.
    — Regardez qui v’là, s’adresse-t-elle à l’assemblée, Barnum himself !
    La femme, rouée qu’elle est, a immédiatement deviné les intentions des deux hommes d’affaires. Elle se lisse des doigts sa barbe frisée et abondante, en souligne le double panache afin d’en dégager tout le potentiel. Elle attend de pied ferme la proposition du producteur. Ringling, quant à lui, se délecte de la situation. La pauvre me prend pour Barnum, se dit-il avec un peu de pitié. Elle ignore qu’il est mort, il y a presque trente ans. Néanmoins, comme il connaît l’impact de ce nom sur les esprits, il se garde de la démentir, plaque plutôt ses mains contre la table du comptoir, sa façon d’annoncer sa mise, et lui offre sur le champ de l’engager pour une tournée internationale et surtout américaine, ponctuée d’exhibitions de prestige sur toutes les places qui comptent dans l’univers. D’un coup de menton, il ordonne à l’adjoint de mettre les points sur les i et de tirer presto de sa serviette un contrat en bonne et due forme, à parapher séance tenante. Le voilà, le doigt en bas de page, qui lui tend une plume prête à l’emploi. Clémentine n’est pas aussi pressée que lui et regarde ailleurs si elle n’y serait pas, en prenant garde de tenir haut son front afin que sa barbe, à son avantage, s’épanouisse en volume et en longueur. De sorte que le passant qui jetterait, par hasard et à travers la vitrine, un œil à l’intérieur du café de la femme à barbe ne pourrait que s’extasier de sa prestance et de la luxuriance de sa toison. Ringling, désarçonné par son indifférence, réfléchit. Trois secondes seulement, qui l’amènent à conclure que la charismatique velue ruse et que son détachement apparent n’est que feinte. Comment résisterait-on à l’appel de Ringling Bros & Barnum & Bailey Circus ? Il s’interroge et, d’une pression sur le bras de son collaborateur, répond : je m’en charge.
    Les enchères montent. Et à mesure qu’elles montent, que le cachet grossit et s’enrichit d’avantages en nature, qu’il s’agrémente de fastueuses perspectives mondaines, le silence gagne la salle. Le cercle des habitués de l’établissement se resserre autour des protagonistes et de leur négociation titanesque. Bouches bées, les clients écoutent l’Américain se répandre en chiffres et en noms faramineux – New York, Paris et le roi d’Angleterre sont invoqués – et restent suspendus aux poils de la patronne qui ne bronche pas, se demandant quand, bon sang de bon soir, mais quand elle topera. Elle ne tope pas et Ringling commence à douter. Il a épuisé tous ses arguments, est à la limite de la rupture. Il ne comprend pas. Elle devrait avoir signé depuis longtemps, et lui, être déjà sur le chemin du retour. Et il se trouve encore planté là dans ce café d’un bled cafardeux, face à une bande de culs-terreux pantois et à une ourse mal léchée qui fait sa chochotte devant le pont d’or qu’on lui présente sur un plateau. Il abat sa dernière carte et, ignorant l’air effaré de son collaborateur, celui stupéfait des spectateurs, consent trois millions. Si avec ça, elle ne cède pas, il veut bien se couper la moustache.
    L’auditoire a vu qu’elle a cillé et Ringling croit un instant emporter le morceau, tant que, saisi d’un éclair de lucidité et, concomitamment, d’une bouffée de panique, sa témérité lui apparaît dans toute son inconséquence. L’échine glacée, il se rend compte qu’il s’est emballé et que l’aventure risque de lui coûter la peau de son menton. Suspendu aux lèvres de Clémentine, il se palpe les siennes, puis les poils qui les surplombent, et concède à part lui que leur sacrifice serait préférable pour ses finances. Mais une parole est une parole et la sienne, celle d’un Ringling !
    Clémentine se caresse doucement la barbe. Elle est tentée. Les grands noms résonnent dans sa tête ; des images de palaces et de salles combles défilent sur la toile de ses rêveries ; les bruits des vivats se mêlent aux roulements des tambours qui annoncent son entrée en scène. Elle est là, face à une assemblée de princes et d’artistes, qui n’ont d’yeux que pour elle et son opulente pilosité, qui redoublent d’hommages ; elle siège au centre de toutes les attentions. Oui, au centre de toutes les attentions. Ses prunelles brillent ; un frémissement parcourt la salle. Elle va consentir, elle va signer. Les clients du café sont figés dans l’attente de son acquiescement, quand Ringling et son collaborateur, tétanisés, le redoutent. On entend une mouche voler et soudain, le tintement du tiroir-caisse du bar, derrière lequel Joseph se tient. Joseph qui a rompu le charme sans le faire exprès et qui rougit.

    Quelques mois plus tard, Clémentine s’installe à Plombières-les-Bains, accompagnée de son mari et de sa fille adoptive Fernande ; sur le champ, y ouvre une boutique de lingerie fine et de dentelles. La renommée de l’imposante patronne barbue, trônant au milieu de ses petites culottes, se propage vite dans la région et la clientèle afflue. Elle songe parfois à ce jour où Ringling lui a déroulé le tapis rouge et offert le monde ; elle ne regrette rien. Elle n’est pas une bête, répète-t-elle à qui veut l’entendre, pour se convaincre elle-même qu’elle a pris la bonne décision. Elle n’est pas un animal de foire. Elle se tourne vers Joseph qui s’est à nouveau attribué la caisse, son poste de prédilection. Le regarde, apitoyée. Son pauvre homme est tout de même mieux ici, au cœur de cette cité thermale tranquille où les eaux bénéficient à sa complexion fragile. D’ailleurs, il souffre un peu moins de ses rhumatismes, note-t-elle. Il s’aperçoit qu’elle l’observe, lui adresse un petit sourire douloureux de son tabouret.
    — Joseph, murmure-t-elle dans un soupir.
    Que ferait-il sans elle ?


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  • J'ai eu le plaisir d'intégrer, cette année, un groupe d'auteurs franc-comtois issus pour beaucoup du Pays de Montbéliard et de Belfort et ses environs, un groupe judicieusement nommé Les Plumes Comtoises. Ce groupe informel constitué à l'initiative de Martine Blanchard (auteure), épaulée de Marie-Claude Guyot (auteure), rassemble plus d'une vingtaine d'écrivains s'exprimant dans tous les genres littéraires. Conduit par ses dynamiques inspiratrices, le groupe propose au public les ouvrages de ses membres à l'occasion de salons littéraires gourmands organisés dans les communes franc-comtoises (essentiellement du Pays de Montbéliard, mais pas uniquement) soucieuses de leur animation culturelle. Nous sommes ainsi allés à la rencontre des lecteurs de Mandeure, de Bavans, d'Etupes, de Pont de Roide et d'autres et, cet automne, nous rencontrerons, notamment, ceux de Badevel ou d'Audincourt. Et ce sont à chaque fois de très sympathiques moments de partage autour des livres et des gourmandises proposés par les auteurs !

     

    Les Plumes Comtoises

    Une partie des Plumes Comtoises à Etupes


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  • Sous les doigts du soleil
    Lanières d'un fouet
    Il y a ta nuque
    De sa claque la trace écarlate

                         Marque au fer rouge

                                             Du piment sur l'épiderme
                                             Enflamme les langues des pores
                                             Le chalumeau décape
                                             Des pelures des squames

    Ta peau arrache
    Crache le feu
    Fleur de soufre

    En cendre le cache-cou

    Pollen d'étoile

     

    Soleil battant


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  • Les chroniques d'un PAF en braille à l'INJA

     

    Mes Chroniques d'un père au foyer (Jacques Flament éditions) ont été traduites en braille par le GIAA PACA-Corse (Groupement des Intellectuels Aveugles ou Amblyopes), et j'en suis très fier et très honoré. L'exemplaire de la traduction est référencé dans la Banque de données de l'édition adaptée (BDEA), gérée par l'INJA (Institut National des Jeunes Aveugles). On y trouve également les références d'un exemplaire en braille abrégé et d'un exemplaire en gros caractères. 
    Voir les références sur le site de l'INJA !


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  • Triomphe à Paris !
    Charles Sherwood Stratton brûle les planches et marque la saison théâtrale 1845 de son empreinte XXL. Il faut dire que le rôle était taillé à sa mesure et le costume du cousu main. Qui d'autre que le Général Tom Pouce aurait pu se glisser avec autant de vérité dans la peau du Petit Poucet ? Les auteurs Dumanoir et Clairville ne s'y sont pas trompés, qui ont écrit l'ouvrage pour lui, et le directeur du Théâtre du Vaudeville a su flairer avant tout le monde la bonne affaire en signant avec Barnum l'exclusivité de ses services.

    Tom Pouce petit poucet 

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90082311.r/


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  • La période est propice à la lecture !

    Je profite donc de la pause estivale pour revenir sur 5 de mes textes publiés en ligne ces 12 derniers mois et disponibles gratuitement. L'occasion d'y jeter un œil voire deux, si le cœur vous en dit.
    Il n'y a besoin que d'un clic pour y avoir accès. Ce serait dommage de se priver !

    Bonne lecture !

    - Tête à claques, sur le site des éditions de L'Abat-Jour, dans le n°20 de la revue L'Ampoule

    En trompette, sur le site nouvellescourtes.org

    - Maquille, sur le site des éditions de L'Abat-Jour

    Pom pom pfff, sur le site nouvellescourtes.org

    - Dia de los Muertos, sur le site des éditions de L'Abat-Jour, dans le n°23 de la revue L'Ampoule

     

    Des nouvelles en ligne et en accès libre pour l'été

     

    Et bien entendu, il y a aussi tous les textes de ce blog... en libre service !


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  • me gratte le front soupire lève la tête tiens il y a un fil d'araignée qui pend un vieux fil empoussiéré il se balance il n'y a pas un souffle il se balance quand même il en faut peu c'est tellement léger un vieux fil d'araignée que ça peut bouger avec rien en mouvement juste un imperceptible flux d'air qui se propage sans que le moindre cheveu soit déplacé je le regarde le fil pend au plafond c'est curieux que je ne l'aie pas remarqué avant je me demande depuis combien de temps il se trouve là quelques jours ou plusieurs semaines je l'avais peut-être remarqué mais n'y avais pas prêté attention des fois on remarque des choses on ne s'y attarde pas on n'intériorise pas ça stagne à la surface de la conscience puis ça coule dans ses limbes il faudrait que je l'enlève un coup de balai suffirait sauf que j'ai plus important à faire j'ai ce texte à rédiger avec tous ces mots qui ne viennent pas sûr que ça me faciliterait l'existence si le fil se décrochait de lui-même mais c'est peu probable ça ne tombe pas tout seul un fil qui pend c'est dommage je n'aurais plus à m'en occuper il voletterait jusqu'à moi dégoulinerait sur mon visage je n'y tiens pas mieux vaut que le fil demeure pendu là-haut tout bien considérer je m'interroge et le lecteur commence sans doute à s'ennuyer je le comprends à sa place moi aussi je m'ennuierais les histoires de fil qui pend ne m'intéressent que modérément peut-être que si je lui dis au lecteur si je lui dis que derrière moi sur le lit défait pendant que j'essaie de travailler sous le fil qui pend si je lui dis que derrière moi sur le lit défait une femme étendue et nue attend que j'en vienne à bout et m'y mette si je lui dis ça au lecteur s'ennuiera-t-il moins je peux légitimement me poser la question une femme nue derrière moi tandis que je regarde ce fil qui pend et qui risque d'y rester longtemps au plafond des semaines voire des mois si je ne lui règle pas son compte maintenant au fil qui pend il suffit que je passe à autre chose que je n'y pense plus et le problème se reposera le fil qui pend m'empêchera de me consacrer à l'essentiel aux mots à aligner il me détournera de mon travail surtout s'il se balance le fil qui pend au-dessus de moi d'autant qu'avec un simple coup de balai il ne pendrait plus

    p 122 : le fil au plafond (et le poil dans la main)


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