• Ma rencontre avec Johnny

    Un soir. À Paris. Sur les Champs Élysées. Une salle obscure. Le film s’achève. Fin du Truman Show. Générique. Lumières. Encore sous le charme, moi et G quittons nos places. Retour à la réalité, nous débouchons dans le hall du cinéma. Ma compagne s’absente aux toilettes. Je l’attends. Et tandis que je l’attends, Johnny, accompagné de Laeticia et de deux hommes, arrivent à leur tour. Ils ont laissé le public partir. Ils se retirent les derniers. Tranquilles, à l’abri des regards. Nous les avions repérés, au moment des publicités. Ils s’étaient installés, cinq rangées devant nous. Et puis, tout aux facéties de Jim Carrey, nous les avions oubliés. Face à Carrey, personne ne fait le poids. Même pas Johnny. Donc, ils sortent de la salle. Un peu groggy, un peu ailleurs. Ils atterrissent, récupèrent de leurs émotions. Je ne peux m’empêcher de les observer. Laeticia pose sa main sur le bras de Johnny, trois mots, puis se dirige vers les toilettes. Il patiente avec ses potes. Nous patientons ensemble, pendant que le hall se vide.
    Je l’observe. Des regards à la volée. Je ne peux m’en empêcher. Il me paraît tout frêle sous son perfecto. Le visage creusé, allongé par son bouc. Un visage marqué. Rien à voir avec le bonhomme mastoc que j’avais en tête, avec l’image imposante que la télé nous renvoie. Un type banal ! Comme moi. Mais lui, en plus décati. Comment cet homme peut-il dégager autant d’énergie sur scène ? Je l’observe. Il échange quelques mots avec ses potes. Ils lui ressemblent, ses potes. Mêmes costumes de vieux rebelles : santiags, jeans, blousons noirs. Ils font un peu ringards, avec leur cinquantaine bien tassée. Ils échangent leurs impressions sur le film. Ils ont apprécié. Du moins, je l’imagine. Je l’observe. L’air de rien. Sans insistance. Je ne veux pas me montrer impoli. Il n’y a plus qu’eux et moi dans le hall. Johnny croise mon regard. Il m’a repéré. Il sait que je l’observe. Il sait que je l’ai reconnu. Il est habitué. Peut-être se demande-t-il si je vais l’emmerder, lui réclamer un autographe ? Je m’abstiens. Je ne suis pas du genre envahissant. Plutôt le genre à m’effacer.
    Nous attendons nos femmes. Des circonstances qui nous rapprochent, en cette soirée automnale, qui nous rendent presque complices. Je m’amuse à cette idée. En cet instant, j’attends avec Johnny que nos femmes sortent des toilettes. Et elles finissent par sortir. Quasiment de concert. Elles se dirigent vers nous. Je les considère. Personne ne fait le poids, face à G. L’évidence me saute aux yeux et me remue le ventre. Laeticia, reléguée au rang de figurante, rejoint Johnny. G s’avance vers moi. Je lui prends la main. Sans nous retourner, nous nous en allons. Je sens des regards dans notre dos. Paris est à nous. La nuit est belle.


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  • Depuis le temps qu'il essaie de la tirer à lui, ça devait arriver un jour : Lucien, carrément, fait la couverture. Et pour, il s'est mis en 4... en 2, plutôt ; il ne faut pas trop se disperser et rester modeste.

    Les lucubrations de Lucien, chez Zonaires !

    Lucien fait la couv

     


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  • Déchéance et rédemption

     

     

    Le néoréalisme a ses fulgurances japonaises.
    Fusako, Natsuko, Kumiko et les autres, Nippones ni soumises, tentent de vivre. Dans les rues d'Osaka, livrées à elles-mêmes, femmes puissantes survivent. Sous le joug masculin, noirceur et brutalité pour un mélodrame abrupt, violent et bancal, comme la vie.
    Mizoguchi n'est pas misogyne mais génie en son monde dévasté.

     Femmes de la nuit, 1948

     

     

     


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  • Lucien a la patate. Une belle et bonne patate, de quoi garder la frite pendant des semaines. S'il s'écoutait, il la ferait sauter, tant il déborde d'énergie ; et la baraque aussi, par le même coup de cuillère à pot. C'est que Lucien, il a des raisons d'exulter et de rissoler dans l'allégresse. Avec le menu qui l'attend, les chairs les plus fermes grilleraient d'impatience. Jugez vous-mêmes : bientôt, et plus vite que ça ne saurait tarder, sa pomme confite en morceaux de bravoure se dévoilera en tranches bien amidonnées dans un recueil gratiné aux petits oignons par la maison Zonaires. 

    Lucien a la patate


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  • Les mots filent sous mes doigts, ne coagulent plus je les perds
    Les mots rages ne tarissent pas
    J'ai du sang sur les mots.

    Sang d'encre


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  • L'heure des bilans

     

     

    Elle a bien roulé sa bosse. Tant de rencontres, de voyages. Elle a multiplié les expériences, enchaîné les aventures. Une existence riche et remplie. Clémentine se caresse les poils. C'est à eux, qu'elle doit ça : cette réussite, cet accomplissement. Elle pose la plume à côté de son cahier où elle couche ses souvenirs. Recule dans son fauteuil et réfléchit à sa destinée. Elle mesure la chance qu'elle a eu. Oui, elle la mesure. Un système pileux déficient et toute sa vie se serait déroulée entre les quatre murs d'un petit commerce, dans une ville un peu trop tranquille. 

     

     

     

    Illustration : Clémentine Delait par Scherr (1923)
    https://wellcomeimages.org/indexplus/image/V0048556.html
    https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=33733761


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  • Le grand couple heureux

    Le grand couple heureux - Roseline Granet (1991, Douai)

     Virevolte et cœur battant
    Ensemble l'envolée belle
    Il court il court le grand couple heureux.

     


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  • No man's land


    Il ne restait plus qu'une corde, celle du la. Avec laquelle il fallait jongler et usiner les mélodies.

     Knockin' On Heaven's Door par les Guns N' Roses

    No man's land, une nouvelle du recueil Cordes Sensibles, disponible aux éditions Zonaires.


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  • Janka prit Brindille par la taille, la colla à lui. Sans qu’elle consentît, il l’explora, s’enfourna en elle. Brindille devint flaque brûlante, dans laquelle il se débattit. Des spasmes, des convulsions. Les jets d’acide de la Nourricière le consumèrent par petits bouts. S’attaquèrent à ses terminaisons nerveuses qui se contractèrent en larves rabougries. Janka fondit dans les entrailles de Brindille. Ses mains accrochées aux hanches disparurent dans ses flancs, se liquéfièrent au creux du volcan. Il hurla aux étoiles. Brindille plaqua sa bouche contre ses lèvres, lui arracha sa voix d’un coup tranchant de langue. Elle aspira ses derniers halètements, le vida de sa substance liquoreuse. À la fin, quand il ne resta plus que ses soupirs à digérer, elle le recracha en chapelets d’escarbilles, qui tracèrent sur son ventre une constellation de son anéantissement.

    La 20ème mort de Janka


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  • Les enfants d'Ulhasnagar


    Les râgas que distillait sa voisine lui reviennent en mémoire. Des mélodies lancinantes qui ensablaient ses nuits. Ajeya ne jurait que par Shankar. Que par Shankar et le charas de son oncle.

     Ravi Shankar au sitar

    Les enfants d'Ulhasnagar, une nouvelle du recueil Cordes Sensibles, disponible aux éditions Zonaires.


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