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    J’envie sincèrement tous ces gens capables d’autant de certitudes. Ma vie serait plus simple si j’en avais seulement la moitié d’une. Quel que soit le sujet, les enjeux, pour moi tout est nuance, doute, complexité, contradiction. Un état d'esprit qui m’empêche de m’engager dans quelque mouvement que ce soit, parce que s’engager, c’est réduire le champ de la réalité, limiter la réflexion, adopter des opinions contraires aux siennes. Ainsi, ce mouvement des gilets jaunes avec lequel j’ai décidément du mal. Je partage bien des revendications émises. Je partage aussi en grande part le constat qui est fait. Mais il y a aussi nombre de demandes, propositions, discours auxquels je ne peux adhérer. Impossible d’y souscrire. Et le plus surprenant est que dans bien des cas les exigences s’opposent les unes aux autres. Ce mouvement des gilets jaunes dit tout et son contraire, réclame des mesures qui sont difficilement conciliables. Comment un gouvernement peut-il se dépêtrer de ça ?
    Il y a plus d’attentes et de doléances que de gilets jaunes.
    (...)
    Je sais aussi que ce questionnement incessant empêche d’agir et qu’il pousse à un relativisme stérile. Et c’est véritablement un poids que je ressens. Cette incapacité à s’engager parce qu’il y a toujours à redire, parce que ce n’est pas si simple et qu’en simplifiant trop, l’on devient injuste. S’engager, c’est aussi se salir les mains.
    (...)

    Journal, extraits du jour J+35, 10/12/2018


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    L'on m'a envoyé le numéro de la revue Etudes touloises, consacré à l’écrivain lorrain Émile Moselly à l’occasion du centenaire de sa mort. Le CELT a demandé aux auteurs ayant reçu le prix Moselly, d’écrire un texte sur ou autour de la Moselle. J’ai reçu ce prix en 2013 pour une nouvelle. J’ai donc été sollicité. Ma contribution s’intitule À la source. C’est ma dernière publication de l’année, qui en compte 9, au total. Dont La mort du dauphin François, publiée chez 15K. 9, ce n’est pas mal. Je doute d’en avoir autant, l’an prochain. Une seule me satisferait, s’il s’agissait de mon roman ou d’un de mes recueils personnels…
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    Journal, extrait du jour J+30, 05/12/2018


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    J’ai commencé un texte. Les premiers mots après lesquels d’autres ont suivi et qui me mènent où je n’aurais jamais imaginé aller. L’instant le plus mystérieux et, surtout, le plus jubilatoire. Quand tu sors de toi quelque chose que tu ne pensais pas avoir, que tu ignorais et qui se révèle, là, devant tes yeux, signe après signe. Le texte balbutie, se construit, petit à petit prend forme. Un monde surgit auquel je n’avais pas pensé. Il est bancal. Il se cassera peut-être la gueule. Je ne sais où cela me conduira. Peu importe. C’est là. Cette incertitude et cette révélation : ce qu'il y a de plus excitant dans l’acte d’écriture. On se sent explorateur face à un nouveau territoire, Colomb devant les côtes américaines.

    Je lis en ce moment un essai de Jean Viard, Nouveau portrait de la France. Il date un peu : 2011. Reste, cependant, pertinent. Et éclairant en ces jours de contestation des gilets jaunes. Une contestation qui vire ponctuellement (encore ponctuellement) à l’insurrection. La France d'en haut s’en étonne et n’a pas assez de mots pour condamner la violence. J’ai horreur de la violence. Malheureusement, elle était prévisible. (...)
    L’on ne peut s’empêcher d’éprouver un sentiment d’indignation, de révolte face à ce deux poids deux mesures. Il est inévitable que, tôt ou tard, certains le traduisent dans la rue par des actes violents. De cette fureur, tout le monde sortira perdant...
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    Journal, extraits du jour J+28, 03/12/2018


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    Énièmes discussions sur le forum Maux d’auteurs, que je fréquente, autour des pseudo éditeurs qui imposent contractuellement l’achat par l’auteur d’un certain nombre d’exemplaires. C’est un peu lassant de toujours répéter la même chose, à savoir qu’un contrat participatif n’a rien d’un contrat à compte d’éditeur. Quoique prétendent les concernés et bien que ça les chagrine de s'entendre dire ça. Et d’argumenter, pour justifier l’acceptation de ces conditions abusives, que l’auteur, de toute façon, est souvent amené à acheter des exemplaires en vue des salons ou des signatures auxquels il s'inscrit lui-même. Que, donc, vente imposée ou pas, cela ne change rien pour son porte-monnaie… Au contraire, cela change tout et fait la différence. Aucune somme ne doit être exigée par l’éditeur à l’auteur. Si ce dernier commande des exemplaires pour des manifestations littéraires, cela doit rester à son initiative et en fonction de ses besoins.
    J’en commande, en ce qui me concerne. Les distribue au compte-gouttes au gré de mes participations à des salons ou lors de rencontres. Mais j’en commande quand je veux et combien je veux, en fonction de mes stocks et de mes prévisions de vente. (...)
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    Journal, extrait du jour J+25, 30/11/18


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    Je suis allé à la médiathèque. J’ai emprunté des films, des livres. Je suis passé devant les miens. Avec la mention FC, collée sur la tranche au-dessus des trois premières lettres de mon nom. La classification. FC pour Franc-Comtois. Auteur régional. Du coin. Mes bouquins n’ont rien de régional. Je ne suis pas Franc-Comtois. J’habite ici ; c’est tout. Il n’y a aucune mention pour les autres écrivains, rien sur la région d’où ils viennent. Les nationaux, les internationaux n’ont pas d’implantation. Seulement ceux des environs en ont une : FC. Sous-entendre : sous-auteurs. Une sous-catégorie. Le sous-prolétariat des auteurs. Un peu comme des intouchables, qu’il faut distinguer des autres, des représentants de la vraie littérature. Il y aurait à dire sur certains de ces représentants. Mais bon. FC pour prévenir le lecteur, justifier la présence du livre dans ces lieux, qui n’aurait pas bénéficié de cette faveur, hors le caractère local de son auteur. Oui. FC. Un stigmate. Une mise en garde. Faut pas vous attendre à grand chose…
    Il faut admettre que, parmi les FC, il y a de tout. À boire et à manger. De quoi se méfier et justifier un petit étiquetage. Un échantillon de tous les modes alternatifs d'édition. Il y a ceux, comme moi, publiés à compte d'éditeur par de petites structures éditoriales et il y a ceux à compte participatif, à compte d'auteur ou autopubliés. Difficile de s'y retrouver. (...)
    Je râle mais je suis content d'avoir mes livres à disposition à la médiathèque. Le moyen d'être lu. Je me demande si des gens les empruntent. Oui, je suis content malgré cette estampille. Content et reconnaissant envers l'équipe de la médiathèque, qui m'a systématiquement ouvert ses portes et donné l'opportunité de présenter mes bouquins. D'autant plus reconnaissant que cet éclairage ne m'a pas été beaucoup accordé, par ailleurs.
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    Journal, extraits du jour J+23, 28/11/2018


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    Ils ont réussi. De beaux parcours professionnels. La confiance en eux qu'ils possédaient déjà, très jeunes, en est sans doute la cause. Ils n'étaient pas particulièrement brillants, plutôt moyens d'après mon souvenir. Ils avaient probablement l'essentiel : l'assurance, du charisme et, aussi, le milieu social et le réseau qui va avec.
    Du succès... et l'un des deux tape sa femme.
    Je les revois, chacun avec leur petite idylle, jouer les soupirants dans la cour de récréation. Avec les filles de deux institutrices de l'école. Ils se livraient en spectacle, tiraient prestige de leurs amourettes. Je me souviens de X, agenouillé devant son amour, façon chevalier servant ; il lui déclarait sa flamme et la petite était conquise, flattée. Je regardais ça, étonné, moi qui en pinçais pour une autre, sans oser rien dire. Qui tremblais rien qu'à cette possibilité. Qui, au contraire, faisais tout pour dissimuler mes sentiments, jusqu'à ignorer la petite concernée, à l'ignorer ostensiblement afin de marquer mon détachement, de faire croire à mon détachement. À l'opposé de son attitude. Et un peu moins de quarante ans après, lui est condamné pour violences conjugales.
    J’y repense et me dis qu’ils feraient de bons personnages de roman, les deux frères, des personnages emblématiques de notre génération. Pourquoi pas ? Une idée à creuser. À cerner.
    Nous n’avons pas fréquenté le même collège. Je suis allé à celui du secteur, un établissement de ZEP, appelé Paul Bourget, aujourd’hui rebaptisé Évariste Gallois, dans le 13ème arrondissement. Eux se sont inscrits, comme bon nombre d’élèves de ma classe de CM2, dans le privé, au collège MMM. Déjà, à l’époque, les parents rivalisaient de stratégies de fuite pour éviter le public, pas assez bien pour leurs merveilles. Les préjugés n’ont fait qu’empirer, depuis. Chacun son ghetto.
    Je ne les ai pas revus.
    X est passé par le privé, loin de la diversité de mon collège et de sa racaille supposée, à l’abri des mauvaises influences. Adulte, il n’en a pas moins tapé sa femme.
    (...) Je me sens tellement éloigné de ce genre de personnages. Trajectoires divergentes. Qu’avons-nous en commun en dehors de ces heures passées sur les mêmes bancs, il y a des années ?
    J’ai lu qu’il comptait faire appel.
    (...)

    Journal, extraits du jour J+21, 26/11/2018


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    Une seule vente, hier, à Mathay. Un exemplaire de mes Chroniques d’un Père au Foyer. Un que je n’aurais pas écoulé autrement. Un en quatre heures. Je ne suis jamais, encore, reparti bredouille d’un salon. Cela arrivera sans doute. Le zéro vente. Je m’en moque un peu.
    (...) Je ne connais pas grand monde, en ce qui me concerne. Rien d'étonnant : je me planque dans ma grotte. Je ne lie pas facilement. Ne cherche pas le contact. Et m'en accommode fort bien. Tisser des relations sociales, je ne sais pas faire. Cela nécessite de parler ; or la plupart des sujets de conversation me paraissent tellement ineptes que je préfère me taire. Difficile dans ces conditions de nouer de nouvelles amitiés.
    (...)

    Journal, extrait du jour J+20, 25/11/2018


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  • (...) Je pensais avoir une réponse. N’importe laquelle. Vu qu’on a collaboré ensemble. Un peu. Mais non. On se sent seul, des fois. La tête contre les murs. Je comprends les éditeurs, malgré tout. Je me mets à leur place. Ils sont débordés, surtout les petits. Le couteau sous la gorge. Pas assez de moyens. Ils n’ont pas le temps de répondre. Les petits éditeurs rament pour survivre et les petits auteurs crient dans le désert, jettent leurs mots dans des puits sans fond.
    (...) J’étais déçu. Forcément. Néanmoins, je comprends. Je m’interroge juste. M’aurait-il gardé au sommaire si j’avais entretenu des échanges avec lui, bâti une relation personnelle ? Certains auteurs sont spécialistes de ça. Et ils en tirent avantage… D’aucuns commentent les interventions des éditeurs sur les réseaux sociaux en se pâmant. D’autres (parfois les mêmes), et de façon plus efficace, essaient de tisser des liens directs, jusqu’à les rendre amicaux. Ils multiplient les messages privés, fréquentent les salons parisiens ou les soirées de lancement éditorial, abordent les éditeurs à leur table, leur tiennent la jambe pendant de longues minutes en leur cirant les pompes, en les caressant dans le sens du poil. Ils leur déballent leur admiration, insistent sur leur proximité artistique, leurs accointances supposées, brandissent leurs œuvres comme autant de preuves. De manifestations en manifestations, ils reviennent à la charge. Le travail au corps. Les amitiés intéressées… On en connaît tous, des comme ça. Je les méprise (tout ça me dégoûte), les envie en même temps (et, alors, je me dégoûte) ; ce sont eux qui tirent les marrons du feu. Les relations publiques, le réseautage, mon incapacité.
    (...)

    Journal, extrait du jour J+16, 21/11/18


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    Week-end des gilets jaunes.
    Je ne me fais plus d’illusions sur les gens et je crois que le seul moyen de faire évoluer les comportements est de taper dans les porte-monnaie.
    (...)
    Oui, il me semble qu’il n’y a pas d’autres moyens que le fric, pour inciter les gens à laisser leur voiture. Tous les discours sur l’environnement ne servent à rien. On ira toujours à la facilité, privilégiera toujours son petit confort.
    Mais. Il y a un grand mais. Un mais qui me fout en rogne. Et qui touche les politiques de ces dernières années, celles qui consistent à systématiquement éloigner les services publics des centres urbains, quand on ne les supprime pas tout bonnement. Quel sens d’installer des gares, des hôpitaux en plein champ ? Comment, dans ces conditions, y accéder autrement que par la bagnole ? Surtout quand, dans le même temps, disparaissent les petites lignes ferroviaires, les stations des petites villes ? Quel sens d’implanter des zones d’entreprises, loin de tout, sans accompagner ces implantations d'un réseau de transports en commun ? Quel sens de développer toutes ces zones commerciales en pourtour des villes et ces quartiers résidentiels, à l'écart, qui empiètent sur les terres agricoles ? La maison individuelle à la campagne, cette aberration écologique...
    (...)
    Ma contribution à l’actuelle discussion du café du commerce.
    Sans aucune illusion.
    (...)

    Journal, extraits du jour J+13, 18/11/2018


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  • (...)
    Sentiment de vacuité. L’entre-deux, sans doute la période la plus compliquée à vivre, à gérer. Douloureuse (???). L’inconfort et l’incertitude. Le moment le plus passionnant, aussi, celui de tous les possibles. Il faut être à l’affût. Les sens en alerte. S’ouvrir à toutes les impressions. Réceptacle des bonnes comme des mauvaises ondes. Ce ne sont pas les sujets d’indignation qui manquent. L’indignation ne fait pas de bons textes. Sauf à être apprivoisée, endiguée, propulsée. Ce ne sont pas les sujets de préoccupation, non plus, qui manquent. Se mettre en situation de veille. Éponge. S’imbiber. Regarder, écouter, sentir, réfléchir. Je n’ai pas encore la disposition d’esprit pour. Je suis trop tiraillé. Mais peut-être est-ce cela qu’il faut : le tiraillement. Il en jaillira l’idée, l’émotion. Le déclic.
    Pour l’heure, je merdoie.
    (...)

    Journal, extrait du jour J+10, 15/11/2018


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