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Ma rencontre avec Yves
Il s’appelle Yves. Je le croise sur le trajet de l’école. Après avoir déposé ma môme. En rentrant. Vers 13h40. C’est son heure. Et la mienne. Au début, on ne se voit pas. Puis, à force de ne pas se voir, on finit par se repérer. Un signe de tête. Un bonjour en passant. De la même façon que je salue tous ceux qui s’installent dans mon paysage. Sans que ça porte à conséquence. Jusqu’à ce qu’un jour, il me demande de le sentir. Il se poste devant moi, d’un signe de la main m’incite à m’approcher.
— Je sens mauvais ? Dis-moi si je sens mauvais.
J’ai envie de m’enfuir, bien entendu. Pas le genre d’entrée en matière qui met à l’aise. Que me veut ce type ? Je me retiens néanmoins. Je comprends très vite que sa requête est à prendre au pied de la lettre, que je ne dois y déceler aucune forme de défi. Ce gars-là veut savoir, en avoir le cœur net. Il faut que je le renifle et lui dresse mes conclusions.
— Je prends une douche tous les jours, jure-t-il, pensant ainsi vaincre mes dernières réserves, minimisant le risque que mes narines prendraient à s’exécuter.
Je ne mets pas sa parole en doute mais tout de même, ça craint. Je me résigne néanmoins, avance mon nez vers son cou, ne m’éternise pas.
— Non, non, ça va.
Je ne le connais pas assez pour me montrer franc. Ne souhaite pas le blesser. Et puis, je me méfie de sa réaction. La vérité, on la demande, on l’implore et quand elle vous tombe au coin de la gueule, on se rebiffe.
— Menteur ! s’écrie-t-il.
Il connaissait la réponse ; il m’a tendu un piège. Je l’ai manifestement déçu.
— Menteur, répète-t-il. À la pharmacie, la dame, la pute, m’a dit que je puais.
Je ne sais quoi répondre à cette révélation. Il demandait vérification. Je ne savais pas qu’il voulait confirmation. Comme il me voit passablement gêné, dans un élan de charité, il décide d’abréger l’épreuve. Il me laisse en plan, se tire.Après ça, je continue à le croiser. Cherche à l’éviter, n’y parviens pas toujours. Il m’arrête, me dit des trucs que je ne comprends pas. Il a des raisonnements compliqués à suivre. Il ne semble pas se souvenir que je lui ai menti. Il me parle sans animosité. Me tient la jambe, la lâche quand je ne l’espère plus.
Et du jour au lendemain, il disparaît de la circulation.
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Commentaires
Qui ne dit rien qu'on sent...
Bien dit, bien senti