• Puis-je me résoudre à un tête-à-tête avec mes mots ? Leur existence suspendue à la mienne seule. Ils n'ont de réalité que celle que je leur accorde. Il suffira que je disparaisse pour qu'ils se dissipent à leur tour et réduisent mes heures à eux consacrées à une absurdité irrémédiable. Le sens du néant. Et je me dis que c'est l'empreinte que je laisserai, ce néant, une empreinte qui aura le mérite de ne peser ni sur les générations à venir, ni sur la terre. Rien ou presque n'aura souffert de mon passage ici ; j'aurai marqué le monde comme une plume un sol en béton. Pffuitt. Je me volatiliserai avec mes milliers de mots. Plus rien n'en subsistera. Il y a du tragique dans ce destin, où la vie se réduit à rien. L'insignifiance et le désespoir. Les consolateurs y trouveront l'expression d'un peu de sagesse. Vanité...

    Tête-à-tête


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  • Tirer du tiroir – ce vaste cercueil de mes mots – des histoires qui bougent encore, les achever d'un trait de désespoir et rire du désastre de tant d'heures dissipées.

    Pffuitt, font les illusions crevées en se dégonflant.

    Dérisoire


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  • J'aime les poètes persuadés de ne pas l'être, poète.
    J'aime les poètes qui te regardent avec intensité puis qui baissent les yeux, un peu honteux,
    Honteux d'y avoir cru,
    Qui n'y croient plus,
    Qui pourraient y croire, pourtant.
    J'aime les poètes qu'accompagne le silence, qui restent en retrait, à l'écart, à la lisière de la lumière.
    J'aime les poètes qui lancent leurs vers comme des bouteilles à la mer, sans rien en attendre, en lettres mortes, dans l'indifférence absolue, et qui continuent, malgré tout.
    J'aime les poètes qui écrivent sur du sable par tous les vents.
    J'aime les poètes qui égrènent leurs mots dans les déserts, les puits sans fond, sans que personne ne s'en aperçoive.
    J'aime les poètes que l'existence ne remarque pas.
    J'aime les poètes qui n'existent pas.

    J'aime les poètkis


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  • ... je me permets de vous soumettre une brève œuvre de fiction, un trip/texte éclair (et néanmoins sombre) d'à peu près 110 000 secs, qui s'intitule Machinchose.
    Si je m'en réfère à votre profession de foi, publiée sur la page d'accueil de votre site, mon court roman devrait vous intéresser. Oui, il devrait... J'en doute néanmoins tant il engendre de la perplexité. Dans ces conditions, je le sais, je devrais m'abstenir mais s'il fallait que je m'abstienne à chaque fois que je doute, je n'aurais plus qu'à finir comme ce pauvre Bartleby et "je préfèrerais ne pas"...

    Dans le doute...


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  • Trop d'auteurs, pas assez de lecteurs, et moi et moi et moi, auteur et lecteur. Des pages et des pages échouées dans mon tiroir, dans ma mémoire. Lecteur solitaire de mes mots relégués. Trop rare lecteur de livres imaginés, voués à l'absolue retraite des projets avortés. Et lecteur. Ma bibliothèque est pleine des mots qui sédimentent mes rêves de littérature. Et qui les enlisent dans des espoirs déçus. Parce que je persiste à glisser les miens. Aveuglément, je me dis, pourquoi pas, qu'ils se suffiront à eux-mêmes. L'arrogance de croire qu'ils se suffiront à eux-mêmes, que par la seule puissance de leur évidence ils s'imposeront. L'illusion est coriace.

    Et moi et moi et...


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  • La tentation du je. L'idée revient, lancinante et toujours plus prégnante. Le Journal. Mon Journal. Un Journal. Qui partirait de et irait à. J'y arrive, je le sens. Les contours se précisent, le fil se tend. Je suis surpris ; j'ai souvent pensé, au hasard de lectures, que l'autofiction était à la littérature ce que la branlette était au sexe. Un entre soi. Et j'y viens tout de même... ou presque. Il est vrai que la branlette a ses bons côtés, aussi. Mais point d'autofiction, non : un journal. Un journal truqué. La nuance. Un journal à suspense. La nuance. Avec un enjeu. Un en je. En ange ou en bête ? Un mélange. Oui. J'y viens. Un truc à essayer. Pourquoi pas ?

    La tentation du je


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  • Écrire à l'aveuglette réserve des surprises. C'est comme marcher sans but, se laisser porter par l'envie, le vent ou les vagues. Sans peur de se perdre ni de tourner en rond. L'on accoste sur des rivages imprévus, que l'on foule étonné de se trouver là. Dépaysement garanti. L'on échoue aussi, parfois, sur des écueils, d'où l'on tire toujours quelques cicatrices à gratter. On rembobine le fil. Par quels détours en est-on arrivé à cette frontière ? Les chemins de traverses, les impasses. Des traces qui s'effacent comme dans le sable mangé par la mer. Il ne faut pas trop chercher à savoir. Cela pourrait nuire au prochain voyage, réduire le champ de ses possibles.

    Au fil de la plume

    Le voyageur contemplant une mer de nuages, 1818. Huile sur toile, 74,8 × 94,8 cm, Hambourg Kunsthalle
    Par Caspar David Friedrich — The photographic reproduction was done by Cybershot800i. (Diff), Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1020146


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  • Avant, la plupart des éditeurs répondaient. C'était avant. La lettre circulaire, la ligne éditoriale à laquelle on ne correspondait jamais, les encouragements ou les souhaits de meilleure pêche ailleurs. La lettre impersonnelle qui ne mangeait pas de pain mais qu'ils se donnaient quand même la peine d'envoyer et qu'on recevait le moral en berne, contre laquelle on pestait... Aujourd'hui, en dehors des grosses usines à papier : fini ! Quelques irréductibles se font encore un point d'honneur à envoyer un petit signe de reconnaissance ; force est de constater qu'un nombre grandissant se dispense du geste. Pas le temps, pas les moyens. Même pas le petit mail banalisé gratos, simple accusé réception. Comme quoi, de l'autre côté de l'écran, il y a quelqu'un. Rien. Bernique. Nous voilà réduits à néant. 

    Faut dire que les auteurs sont des emmerdeurs. Font chier à transmettre leurs manuscrits aux éditeurs et à encombrer leurs boîtes à lettres ! 

    La réponse n'arrive jamais


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  • Le grand saut

    Ce moment vertigineux où l'on jette les premières lignes de son nouveau roman, sans trop savoir où elles vont mener, ni même si elles mèneront quelque part. Comme un saut dans le vide, dont on a une idée de la trajectoire mais qui peut prendre des orientations imprévisibles. On ira au bout, la crainte n'est plus là, on a déjà tenté ce genre de voyage et l'on a toujours fini par dépasser le point final. La question est comment et dans quel état. Sur quoi cela débouchera-t-il et en sortira-t-on fracassé ? On est jamais certain du périple et le risque de se perdre est immense. Des heures, des jours, des mois de travail pour un résultat susceptible de rejoindre la plupart des précédents, dans un tiroir ou sur une étagère, et de seulement alourdir de quelques kilooctets supplémentaires le dossier "écritures" de son ordinateur.
    C'est sans doute cette incertitude qui différencie principalement et indépendamment de toute considération esthétique l'écrivant (ou l'écrivaillon) de l'écrivain. Ce dernier a conscience qu'il n'écrit pas pour "rien". D'une manière ou d'une autre, là ou ailleurs, le texte sur lequel il planche, n'importe lequel, trouvera preneur et sera éclairé (aussi ténu soit le rayonnement). S'agissant de l'écrivant, rien n'est moins sûr. Il espère la lueur mais s'empêche d'y croire, car il est déjà passé par là, s'est déjà cogné au mur de la réalité. Il écrit, consacre énormément de temps à sa tâche a-priori (statistiquement) pour l'obscurité, pour l'ombre immédiate et poussiéreuse des fonds de caves (avant de provisoirement rejoindre celui des poubelles). Je crois que, dans ces conditions, l'on n'écrit pas de la même façon. Il est impossible d'écrire de la même manière selon que l'on sait que la publication est au bout ou qu'on ne le sait pas. L'urgence, le sentiment de précarité, de tension, ne sont pas de même nature. Certes, réside dans les deux cas la nécessité de se dépasser, que ce soit dans le premier pour renverser les murs ou, dans le second, pour confirmer (ou ne pas décevoir) et creuser son sillon mais l'enjeu n'est pas le même. Pour l'écrivant, écrire revient à jouer son existence (le néant menace) et relève d'une quête ontologique. Chaque mot qu'il ajoute le rapproche du vide et plus il en ajoute, plus ce vide qui le guette gagne en ampleur. Il ne joue pas sa peau mais se joue soi-même et sa raison d'être ou d'avoir été pendant tout le temps passé à écrire. Plus ce temps est long, plus il prend le risque de l’annihilation (tout ça pour rien !). Et bien des fois, le doute l'assaillira ; il sera tenté d'abandonner et de se tourner vers des cimes d'accès plus rapides (comme d'écrire une nouvelle), aussi pentues soient-elle, dont la brièveté de l'escalade lui apparaîtra plus supportable et moins absurde. Pour l'écrivain, c'est tout le contraire. C'est de ne pas écrire qui rend précaire sa situation et le menace. Son angoisse est celle de la page blanche. Il craint de ne plus être à la hauteur, de ne plus y arriver. Ainsi, à la différence de l'écrivant, chaque mot supplémentaire étaiera son parcours en le légitimant et le confortera dans son rôle, dans son être au monde, lui apportera une relative "sécurité existentielle". Et il se consacrera tout entier à son oeuvre, puisque celle-ci, par son avènement et sa divulgation certaine, le justifiera. 

    Je me lance, me risque des mois comme fantôme.


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  • Il me dit prends ton bâton de pèlerin, Pilgrim, et essaie encore. J'en ai plein sous le coude, des mots empilés, des phrases à la chaîne que je continue à rallonger. Il me dit sème à tout va, le vent l'emportera. Je réponds j'en ai marre de taper aux portes, je voudrais maintenant qu'on me les ouvre. Oui mais. Mon énergie, je veux la consacrer à. Oui mais. Ecrire sans me soucier de. Mais non. Alors je choisis une île. Envoie vers, ma bouteille. Trois mois après, la sentence. Et trois mois supplémentaires pour m'en remettre et... retenter.
    Il me dit te plains pas, il y a pire. C'est vrai. Le pompon : j'ai pas à me plaindre, il y a pire. Il y a mieux aussi.

    Point blues. Petite humeur à vide. Mal chronique et guérison transitoire. J'écris. Je replonge.

    De guerre lasse blues


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