• — Qu'est-ce que tu fais ?
    L'on est en droit de se poser la question et Max ne manque pas de se la poser, tant la posture de Lucien prête à étonnement. Il est pourtant habitué aux extravagances de son ami et connaît ses inépuisables ressources et capacités d'innovation, jamais à cours d'aberrations. Mais là, il ne peut dissimuler son embarras face au spectacle qui lui est servi. Lucien tend son bras vers le ciel, la main dans un gant à four, en sautant.
    — Qu'est-ce que tu fous, avec ton gant ? réitère-t-il son interrogation.
    Lucien profite de l'intervention de Max pour souffler sur ses doigts. Il répond :
    — Ben, c'est pour pas me brûler.
    — Te brûler ?!!!
    — Oui, si je le prends sans gant, je vais me brûler, c'est sûr.
    Max ne comprend rien aux propos de Lucien. Il l'examine avec circonspection tandis que le bonhomme, en guise de plus amples explications, désigne le ciel par des hochements de tête. Max suit son regard.
    — Quoi ? Désolé, mais je vois pas de quoi tu parles.
    Lucien s'agace de tant de lenteur d'esprit et le rabroue.
    — Oh, tu le fais exprès ? J'te parle du soleil !!! Il est hyper chaud, le soleil.
    — Tu... tu essaies d'attraper le soleil ?
    — Et alors ? Ça te gêne ?
    — Euh... non, mais...
    — L'autre jour, tu m'as dit que t'avais bien pris le soleil lors de ton week-end. Alors, bon, je veux pas être vexant... mais si toi, t'as réussi à le choper... je vois pas comment ça me poserait problème. 

    Lucien prend le soleil


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  • Par Paolo Redwings from london, UK — Banksy, CC BY 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3015423

     

    "Je suis assis, lépreux, sur les pots cassés et les orties, au pied d'un mur rongé par le soleil."

     Mauvais sang (Une saison en enfer) - Arthur Rimbaud

     


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  • Il y a la maladie

                      Modern Love Maladie

    Alex qui court dans la ville la nuit
    L'éclat brut d'un poème de Rimbaud
    Et deux marques rouges au côté droit.

     

    L'amour sans s'aimer, s'aimer sans l'amour

     


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  • Il a débuté chez Barnum. À bonne école, le bonhomme. Aboyeur de cirque dans la grande maison, il a retenu les leçons de la figure tutélaire, a repris sa méthode à son compte. Colonel Parker qui n'a rien d'un colonel et rien d'un Parker a mis ses pas dans les pas de Barnum, à l'intox s'est forgé une réputation. Une filiation, le rêve américain, pour qui sait saisir sa chance et tromper son monde. Il a suffi qu'il repère son Monstre, celui qui lui apportera aisance et pouvoir, le jeune Elvis, comme Barnum a eu son Tom Pouce. 

    Colonel Parker Barnum

    Par Auteur inconnu — eBay, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=46927835


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  • J'ai la foi
    Des coquelicots
    Fontaine de jouvence

    Tard dans la nuit

    Élixir


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  • Lame de fond. Déferlent les rêves d'Empire
    Des traînées de poudre rendent certain le pire
    La foudre le feu peu importent les soupirs

    Droits humains déniés les vindictes délétères
    Liberté résiste refuse qu'on l'enterre
    Les poings étendards fusent entre ciel et terre.

    Lame de fond


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  • Ma rencontre avec Demain

    Je croise Demain au pied de mon immeuble. Il a la tête de la fille de Xavier. Un beau visage poupin qui attire la lumière et les regards. Xavier, sur ses talons, traîne un air de chien battu qui me navre. Il ne sait plus quoi inventer pour la retenir. Il parle ; elle s’en moque. La détermination de la demoiselle déteint sur son attitude et sa moue boudeuse. Une détermination festonnée de certitudes ; l’armure indispensable pour tailler la route et renverser les murs. Ils se sont tout dit. Elle n’a plus de mots pour lui. De toutes les façons, il ne comprend rien.
    Elle passe devant moi. Dans la foulée, m’adresse un geste de la main. Un petit geste. Juste les doigts qui se lèvent. Elle ne souhaite pas s’arrêter. Elle n’a rien contre moi ; je ne suis pas son père. Je suis comme lui, mais pas lui. Elle n’a rien contre moi ; je n’importe pas. Cependant, avec son père, derrière, qui y croit encore, il n’est pas question de s’attarder. Il saisirait l’aubaine, plaiderait sa cause, jouerait la victime. La supplierait. Je tente :
    — Romane ?
    Elle ne répond pas. Juste ses doigts levés en rempart, ligne de défense pour me couper l’herbe sous le pied, décourager mes velléités de communication. Pas la peine d’insister. Pas la peine de se justifier. Le temps est compté. Et elle n’en a plus à nous accorder. À lui accorder. J’essaie pourtant :
    — Romane…
    Elle a déjà parcouru une dizaine de mètres sur le trottoir. Je ne distingue plus que son dos et ses cheveux qui flottent. Et ses jambes trotteuses qui volent sur le macadam et dilatent l’espace entre elle et nous. Elle s’éloigne. Ne se retourne pas. Xavier me rejoint. Je pose une main sur son épaule. Me doute que ça ne le consolera pas. Une étreinte amicale. Une présence. Je ne vois pas quoi ajouter. Je suis incapable de plus. Je n’ai jamais été capable de grand chose. Xavier, non plus. Et jusque là, ça nous allait. On s’en accommodait. Pas elle.
    Demain disparaît devant nos yeux d’inutiles et l’on ne sait pas comment l’empêcher. Sa silhouette se fond dans les vastes possibles et l’on réalise qu’on a manqué un truc. Je regarde Xavier. Il a la tête d’Hier enlisé dans les jours d’inertie. J’ai la même tête. Il soutient mon regard. Que peut-on y faire ? Rien. Comme d’habitude.


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  • Immobile et fier sur la corde raide qui reliait la steppe au Mont Jabor, Janka résista aux assauts de Bazouf. Le vent fondait sur lui, dégoulinait le long de son corps, se rattrapait à ses chevilles et tentait de l’attirer dans le vide qui étiolait le désert. Janka résista tant que Bazouf n’eut d’autres ressources que de lui couper les ailes du tranchant de ses lèvres. La corde vrilla. L’équilibre fut rompu.
    Janka éclaboussa son ombre.

    La 27ème mort de Janka


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  • Il est tellement contre qu'il s'appuie dessus. 
    — Fais gaffe, tu vas le péter ! s'alarme Max.
    À force de s'ériger contre le système, il finira par le renverser et ils seront bien avancés... mais pas très loin, quand même.
    — Arrête !
    Lucien ne veut rien savoir. Il s'oppose, n'en démord pas, plante ses dents dedans pour donner du mordant à sa détermination, se les casse sur la résistance de son pote rétrograde et crache un morceau d'incisive.
    — J'te laisserai pas faire.
    Max, grand conservateur devant l'éternel, veut préserver ses acquis et privilèges de nanti. Il s'interpose, résiste face à la pression destructrice lancée sans discernement par la masse en mouvement du corps insurrectionnel de Lucien. 
    — Lâche-moi, se rebiffe celui-ci.
    Le récalcitrant n'a pas l'intention de céder. La réaction ne le fera pas plier. Au contraire, il augmente son emprise, tant et tant que le système en vient à vaciller, explose sur le carrelage de la cuisine. Max, effaré, contemple le désastre. Déverse sa colère dessus.
    — P'tain, mais quel con ! Et c'est toi qui vas payer les pots cassés, maintenant ? 
    Lucien s'étonne du peu d'arguments et de la mauvaise foi de Max.
    — T'as déjà vu quelqu'un payer des pots cassés ?


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  • Lucien au top

    Lucien a eu un coup de mou. Il s'est cogné à son oreiller, a pris un chamallow sur le coin de la tempe, s'est lancé tête baissée dans le bide d'un sénateur ; maintenant il doit remonter la pente. Et pour que ça aille plus vite, il s'en choisit une bien raide, dotée d'un pourcentage à faire pâlir les plus motivés des candidats aux élections. De la côte alpine et pas la moins achalandée en parois verticales. C'est que Lucien ne craint pas les dénivelés. Après son passage à vide sur les lignes de crête, au bord du précipice et au fond du trou, le voilà à bloc et au sommet de sa forme, prêt à surmonter toutes les embûches et les cols. Il tient bon la rampe et prend de la hauteur, saute au plafond afin de mieux s'en saisir.
    — Aïe !
    Il se tâte le crâne, en vérifie l'intégrité. Il est entier, le plafond aussi. Si Lucien ne s'est pas laissé abattre par un coup de mou, ce n'est pas un coup dur qui l'entamera. 


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