• Lèvres écartées tendues entre ses commissures crispées, le clavier apparent toutes quenottes dehors, elle avance, nez au vent, tête à l'avenant.
    — Prends garde, des moucherons vont s'écraser sur ta calandre.
    Elle ne relève pas. Elle n'a pas compris. Je change de registre.
    — Pourquoi montres-tu tes dents, comme ça ?
    Elle hausse les épaules, retrousse encore les babines, serre davantage les crocs. Manière d'augmenter la surface de refroidissement.
    — Arrête, tu fais peur !
    C'est vrai ; elle n'est pas rassurante. Je regarde autour de nous si les pigeons résistent à la menace. Les volatiles s'en moquent. Ils en ont vu d'autres.
    — Mais arrête ! Tu vas rester coincée !
    Je l'imite, ma bouche écartelée, la dentition aux avant-postes. L'effet est réussi ; elle daigne répondre.
    — Je fais bronzer mes dents.
    Je n'avais pas pensé à cette option. Les enfants ont d'inépuisables ressources.
    — Tu... quoi ?
    — C'est pour que mes dents bronzent.
    Je la considère. Jette un œil vers le ciel et le soleil éclatants. Il serait en effet dommage de se priver. 
    — Pourquoi ? Tu veux des dents jaunes ? Il y a d'autres moyens pour avoir les dents jaunes.
    J'exhibe les miennes. Le résultat d'un long travail sur soi. Elle apprécie, referme aussitôt la bouche.
    — Ben, tu veux plus bronzer des dents ?
    — Non, ça va... 


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  • Anecdote

    A. C.


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  • Selfie

    A.C.


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  • A. C.


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  • Jamais content

     A. C.


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  • — Je sors un peu ! Tu viens avec moi ?Flânerie
    Le fiston lève la tête de son écran, me regarde. Ricane. J'ai l'impression d'avoir proféré une ânerie. 
    — Bah non, répond-il comme si cela allait de soi.
    — Si, viens ! Tu prendras l'air, comme ça.
    — Non, j'ai pas envie.
    — Ça te fera du bien.
    — Non, j'ai dit. J'ai pas que ça à faire.
    Bon. Inutile d'insister. Je le laisse à ses occupations et m'en vais toquer à la porte de ma fille aînée. J'entre. Disparaît instantanément la fenêtre qui éclairait son écran d'ordinateur.
    — Qu'est-ce que tu regardais ?
    — Rien.
    Elle tape des doigts sur son bureau, clopidop, clopidop, façon de me déclarer que la sortie est juste derrière moi, que je peux dégager quand je veux.
    — Je vais marcher. Tu m'accompagnes.
    — Pourquoi ?
    — Ben, pour se promener. Pour prendre un peu l'air.
    Elle soupire. Lève les yeux au ciel. Comme si elle avait que ça à faire : glander.
    — Bah non, il faut que je bosse. 
    — Ah, tu bosses ?
    — J'ai mon DM de math à faire. Tu me l'as toi-même rappelé.
    Bon. Si je le lui ai moi-même rappelé... Je la laisse et tente ma chance auprès de la petite. Je la rejoins dans sa chambre. Elle m'accueille aussitôt.
    — NAN.
    Bon. Je me la jouerai promeneur solitaire, donc.

    J'enfile mon manteau, quand je vois débouler ma grande.
    — Papa, si tu sors, tu peux passer à la pharmacie me prendre ma crème ?
    Mon fils, soudain sur ressort, la relaie illico.
    — Il faudrait me racheter des cartouches d'encre. J'en ai plus.
    — C'est que... je comptais me promener... pas faire les courses.
    — Ben, ça t'empêche pas de te promener.
    Je les considère. Ils me sourient.
    — Oui, et autant en profiter puisque t'as rien à faire.


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  • — En fait, papa, t'es un peu mon Procope.Un p'tit coup de Procope
    — Ton quoi ?
    Je m'étouffe. Je ne suis pas certain d'avoir bien entendu.
    — Mon Procope, répète-t-il.
    Je le considère. Je ne vois pas où il veut en venir. Je connais l'établissement Le Procope, à Paris, pour avoir assidûment fréquenté le quartier latin un certain nombre d'années dans ma jeunesse mais je peine à saisir le lien qu'il y a avec nous. J'interprète néanmoins.
    — Tu veux dire que je suis ton taulier ?
    Face à son œil perplexe, je précise.
    — Que je tiens la maison ? ...
    Il me regarde, un peu désolé, se demande ce que je lui raconte.
    — Non, je dis que t'es un peu comme Procope.
    — ...
    Vu que je suis lent d'esprit, il met les points sur les i.
    — Oui, comme Procope de Césarée !
    — Procope de Césarée ?!!... 
    Je cherche, passe en revue mes cases mémorielles. Rien n'en sort. Il est affligé.
    — Tu es pour moi, ce que Procope de Césarée était à Justinien.
    — Justinien...
    — Oui, poursuit-il consterné par mon ignorance, Justinien, l'empereur d'Orient au sixième siècle. Procope était son historien. Il a raconté ses guerres, les guerres menées par son général Bélisaire... 
    Je digère l'information. Je dois avouer qu'il m'en bouche un coin. Et reformule sa pensée.
    — Et moi, alors, je suis ton Procope ?
    — Ben oui... Tu racontes mes histoires, aussi...
    Je suis son Procope de Césarée et lui est mon Justinien. Je n'en reviens pas. Je n'avais jamais vu les choses sous cet angle et je dois admettre que son éclairage me rend tout hilare. J'applaudis, admiratif. C'est qu'il a des lettres, le fiston ! Il paraît tout content de sa trouvaille, fier de son coup. Je m'incline face à tant de discernement.
    — Ouais, c'est vrai ça, je suis un peu ton Procope !
    Son Procope ! Mais plutôt le Procope de l'Histoire secrète, alors... la version non autorisée...

    Je le contemple, encore médusé par sa sortie. Faut que je prenne garde ; des fois que le gamin se mette à lire La princesse de Clèves... De nos jours, ça pourrait lui nuire.


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  • À l'approche de l'école, elle me lâche la main. Faudrait pas que je lui colle la honte devant ses camarades. Alors, comme j'ai une réputation de "gros lourd" à défendre, je tiens mon rôle.
    — Pourquoi tu me lâches la main ? T'as honte ?
    Et, casse-pieds, avec un malin plaisir, j'essaie de la lui reprendre. En vain. Elle s'écarte, esquive. L'air de rien. Flegmatique et détachée. Comme si je n'existais pas. Je ne m'avoue pas vaincu.
    — T'as honte de ton papa ?
    Elle évite mon regard, détourne la tête. J'insiste. Mielleux. 
    — Allez, donne la main à ton papa, mon chéri.
    Elle prend son air exaspéré. Voudrait que je la boucle. Ne peut cependant empêcher son sourire mutin de trahir son amusement. 
    — À ton petit papa...
    Je la joue victime, en fait des tonnes sur le mode supplique. Mon grossier chantage affectif achève de la dérider.
    — Vraiment n'importe quoi ! me lance-t-elle.
    Je tente à nouveau d'attraper sa main ; elle s'échappe, court vers les grilles de l'école en riant.

    J'en profite. Bientôt, je serai obligé de changer de trottoir.


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  •  Talents

    Ma première touche le bout de son nez avec le bout de sa langue.
    Mon deuxième remue ses oreilles.
    Ma troisième applaudit des deux pieds.

    Indubitablement, l'avenir leur appartient.


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