• Le Nosferatu de WF Murnau

    Je profite de l'arrêt 6 de la visite guidée du bunker, devant le Nosferatu de Murnau, pour reprendre sur ces pages les mots que j'en disais sur mon vieux blog, Mon blog à Montbé : 

    "L'occasion de renouer avec ma fibre cinéphilique et de m'arrêter sur cette œuvre fascinante, emblématique de ce courant artistique des années 20 et 30, l'expressionnisme allemand. Si elle s'en démarque par ses séquences tournées en décor naturel et dont beaucoup rappellent la beauté de cette nature, paradis perdu ou jardin défendu, que le réalisateur exaltera notamment dans cet autre film majeur qu'est L'aurore, et qui ne sont pas sans évoquer le cinéma ultérieur d'un Malick, elle ne s'en inscrit pas moins dans ce mouvement esthétique. On en retrouve en effet les traits caractéristiques : l'interprétation torturée des acteurs (visages et corps), les décors gothiques et tout en encoignures (échos visuels des silhouettes et des traits anguleux de Nosferatu et d'Ellen, qui contrastent avec le physique plus bonhomme de l'amoureux un peu benêt (Hutter), situé, en opposition, du côté de la vie, du jour et du monde réel), les effets de clair-obscur avec ses jeux de lumières et d'ombres dont certaines gigantesques se déploient comme une toile d'araignée ou comme les tentacules de cette plante vorace que le professeur et ami du couple expose aux regards d'une assistance médusée, les éclairages changeants sur les mêmes objets qui leur confèrent une étrangeté et qui abolissent les frontières temporelles (les nuits plus claires que les jours, les crépuscules et les aurores), les décadrages surprenants souvent dus à des contre-plongées qui contribuent à instaurer une atmosphère lourde et à traduire l'inéluctabilité du destin, que symbolise, dans cette scène à couper le souffle, le vaisseau fantôme lorsque faisant irruption à la droite du cadre et en contre-plongée, il arrive dans le port hanséatique. Le film regorge d'images, de séquences, qui frappent les imaginaires et les mémoires (et les successeurs de Murnau ne s'y sont pas trompés qui s'en sont largement inspirés) dont celle-ci, époustouflante, qui voit errer Nosferatu dans la ville portant son cercueil sur l'épaule, Nosferatu incarné ou plutôt désincarné par un Max Schreck extraordinaire, cadavérique et charismatique à souhait, dont le fantôme plane sur toute l’œuvre et sur les rêves non seulement des protagonistes mais aussi des spectateurs.

    L'on pourrait s'étendre, analyser et commenter pendant des heures aussi bien le fond (et donner des interprétations psychanalytiques, symboliques, politiques...) que la forme... relater les influences, la portée du film dans l'histoire du cinéma. L'on pourrait aussi dire de quelle façon subtile Murnau décline le thème du bouc-émissaire, dont il fait porter successivement la charge à chacun de ses personnages, et comment, en écho au M, le maudit de Lang, il dévoile les mécanismes de ce phénomène social et culturel qu'a si longuement décrit René Girard. Oui, l'on pourrait et davantage encore. L'on se contentera, cependant, de raconter le corps tortueux de Nosferatu et l'expression perdue, presque triste, de son visage, de ses yeux, lorsque les premiers rayons d'un soleil salvateur s'infiltrent dans la chambre d'Ellen, où, le piégeant, elle s'est offerte."

    Le Nosferatu de WF Murnau


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