• Ivresse de la chute, aux éditions Zonaires

    Un recueil que la mort hante. Où les personnages sont comme des insectes cernés. Pris dans les filets de leur destin. Ou dans les barbelés. C'est selon. Bouffons de la fortune, dirait Roméo. Le Fatum auquel on se heurte et qui emprisonne ses proies. L'absurdité de l'existence, la vanité que c'est de se débattre contre l'inéluctable. D'où le sentiment d'enfermement qui domine, tout le long de la lecture. L'on s'échine à fixer la vie sur une photo, un tableau. L'un ira même jusqu'à inséminer son oeuvre pour la lui insuffler mais la mort est têtue et la vacuité du geste inexorable. C'est toujours une image de la mort qu'on obtient et finalement des gisants qu'on fixe sur pellicule. Ces trois photos seront aussi mystérieuses que la centaine d'autres qui dorment dans le sac de toile. Tous ces sourires sans nom qui peuplent la surface argentique finiront par disparaître aussi bien que les corps qui y ont laissé leur trace. Ce n'est qu'une question de temps (extrait de Faussaire). Et l'on aura beau tenter de les faire revivre ces morts, comme Elisa par le prisme de ses jumelles, c'est peine perdue. Seuls les mots pourront quelque chose et donner le change... Sauver une trace, la  mémoire, un souvenir. Ainsi dans la dernière nouvelle du recueil où l'homme, zombi tant qu'il vivait, trouve à s'incarner et s'anime (au sens premier du terme) à travers son dernier message. Seuls les mots et peut-être aussi les grands-mères, personnages récurrents, un peu sorcières un peu fées, qui offrent un ancrage dans la vie et la possibilité d'une île.
    Tout le recueil est irrigué par ce sens du tragique et c'est ce qui en fait, selon moi, la réussite et la profondeur. Profond et émouvant, comme ce magnifique texte Temps de chien, sans doute mon préféré, qui fait écho à un autre, souvenir d'enfance, où était déjà annoncée la mort du père, mort dont l'ombre plane sur les protagonistes décidément humains, trop humains. 

    Le recueil de nouvelles, Ivresse de la chute, de Joël Hamm est disponible sur le site des éditions Zonaires.


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  • Commentaires

    1
    Dimanche 10 Mars 2019 à 16:00

    Voici une fine analyse qui m'apporte beaucoup.

    Merci Benoît

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    2
    Dimanche 10 Mars 2019 à 17:29

    Merci à toi, Joël, pour ce très réussi recueil !

    3
    Lundi 8 Juillet 2019 à 16:10

    Belle critique oui.

     

    4
    Vendredi 17 Avril 2020 à 16:25

    Deux ou trois mots sur le deuxième recueil de Joël Hamm, Pastel Noir, paru aux éditions Zonaires ( http://www.zonaires.com/?p=2938 ) :

    Dans la lignée de son excellent précédent recueil, L'ivresse de la chute, Joël Hamm poursuit son exploration de l'âme humaine et de sa face sombre. Plus urbain et contemporain, cet opus offre des histoires à hauteur d'homme et de femme, à l'efficacité redoutable. Le noir domine, mais comme dans la peinture de Soulages, c'est pour mieux traquer et réfléchir la lumière qui s'y révèle (par ses éclats d'humanité), celle-ci donnant toute sa profondeur à l’œuvre. Évidemment, je recommande fortement.

    5
    Vendredi 17 Avril 2020 à 20:10

    Je ne peux que te remercier, cher Benoît. Et comme on dit ces jours-ci : gaffe à toi et aux tiens!

      • Samedi 18 Avril 2020 à 12:17

        Merci Joël ! Je te dis la pareille ! wink2

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