• Fantasmes, etc...

    Fantasmes, etc...Les gens croient ce qui les arrange. Ce qui les conforte dans leur opinion, justifie leurs comportements et leurs décisions et leur permet de dormir, la conscience tranquille, persuadés d’avoir agi pour le mieux. Ainsi des parents qui font des pieds et des mains pour ne surtout pas inscrire leur môme dans le collège du secteur, situé en REP+. D’aucuns se montrent pourtant ouverts et progressistes lorsqu’on discute avec eux, défendent des valeurs humanistes et regrettent, devant leur télé, quand ils constatent les conséquences désastreuses de son insuffisance sur notre société, qu’il n’y ait pas davantage de mixité sociale. Seulement voilà, la mixité, ils l’appellent de leurs vœux mais à condition qu’elle ne les concerne pas, qu’elle ne touche pas leur progéniture qui, pauvre petite chose fragile, pourrait en pâtir, subir de mauvaises influences quand ce ne sont pas des mauvais traitements et qui, plus grave encore, par une contamination dont je peine à percevoir les mécanismes mais qu’ils nomment nivellement par le bas, par le simple côtoiement d’un public cumulant les difficultés et les problèmes, deviendrait à son tour sujet aux retards scolaires (apparemment contagieux), comme si les manques des uns devenaient ceux des autres du seul fait de se fréquenter. Sont-ils invités, ces parents, à participer à cette mixité qu’aussitôt ils se braquent, s’indignent, crient à l’injustice et développent des stratégies de fuite qui les amènent à frapper aux portes des établissements privés, que souvent ils dénigraient auparavant, ou à déployer des trésors d’inventivité pour contourner la carte scolaire et atteindre les établissements publics pas trop indignes de leur mouflet, en majorité fréquentés par leurs semblables, en tout cas relativement préservés de la population des quartiers.
    J’ai croisé, peu avant la rentrée, un parent accompagné de ses enfants. Quand je lui ai dit, suite à sa question, dans quel collège était inscrite ma fille, il s’est montré dubitatif, m’a révélé sur le ton de la confidence, comme s'il le tenait de source sûre (entre gens de bonne compagnie, on joue à se faire peur, on se monte le bourrichon), en guise de prévention, et sans se soucier de la présence de ma petite qui écoutait, que dans l’établissement en question – situé, donc, en REP+ – pendant les récréations, le jeu favori était de taper sur tous ceux, garçons et filles, qui étaient blonds. Je lui ai répondu que mon fils en sortait, de ce collège, qu’il y avait passé quatre années, de la sixième à la troisième, qu’il était blond et qu’il ne s’était jamais fait taper dessus ni même menacer. Le père m’a considéré, surpris, et a tout à coup paru gêné, presque fuyant, pressé de clore la conversation. Je venais de mettre à mal non seulement un préjugé mais surtout un prétexte, derrière lequel il s’abritait pour justifier sa décision d’éviter à ses filles le collège incriminé et de se réfugier dans le privé. Un motif (la protection de ses filles) qui en cachait de beaucoup moins avouables… et qui avait l’avantage de préserver sa bonne conscience, de justifier ses petits arrangements avec ses Valeurs. Il a alors admis qu’il s’agissait sans doute de ragots. Je voyais néanmoins qu’il n’était pas convaincu. C’était plus confortable pour lui de s’agripper à ses idées préconçues, aussi caricaturales, nauséabondes et ridicules fussent-elles, et de continuer à prendre ses fantasmes pour la réalité.


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :